© Jean-Louis Crimon Chengdu. Université du Sichuan. Campus. Déc 2011.
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C'est un des beaux moments des activités dirigées. Un exercice aussi pêchu et physique que le badminton. Le badminton des mots et des phrases. Il y a d'excellents volleyeurs. Des volleyeurs de mots et d'idées.
Avec la classe des grands débutants en français de l'Université Normale du Sichuan, à Chengdu, je fais régulièrement, depuis fin septembre, deux à trois fois par semaine, en guise de "training intellectuel et linguistique", ce petit jeu qui repose sur un grand sac. Un grand sac très mystérieux.
Un sac dans lequel, sur des petits morceaux de carton, découpés dans des emballages, j'ai écrit à la main une multitude de mots : des noms, des adjectifs, des verbes, des sujets, des compléments. Les étudiants, en groupe de deux ou trois, le plus souvent, mais aussi parfois, à leur demande, en solo, plongent une main plus ou moins distraite ou experte dans mon sac à malices. Ils en ressortent, selon les jours, selon mon humeur, mon humour, ou selon ma générosité, trois ou cinq mots. Vous l'avez deviné ou compris d'emblée: avec les mots, il faut faire des phrases. Avec les phrases, parfois, un vrai petit texte. Un vrai travail de création très... créatif.
Ce sont des étudiants et des étudiantes formidables: en deux mois et demi de français, une cinquantaine d'heures de cours par semaine, en deux mois et demi de "français intensif" donc, ils sont capables de sortir des phrases d'un excellent niveau. Tant sur le plan de la construction syntaxique que sur le plan du "sens", pour ne pas dire de la "portée poétique" ou même "philosophique" de la phrase.
Au cours de l'avant-dernière séance, mi-décembre, deux étudiantes, Sophie et Juliette, de leurs prénoms français, avaient péché dans le sac à malices, les mots "AMIS", "BATEAU", "Je", "ARC-EN-CIEL" et "POMMES DE TERRE". Pas mal, non, comme tirage au sort ?
Vous voulez savoir quel sort mes deux étudiantes ont réservé à cet étonnant tirage au sort ? En dix minutes chrono !
Eh bien, sans tarder, je vous livre leurs phrases, dignes d'étudiants Français pratiquant leur langue maternelle depuis toujours:
"Nous sommes deux bons AMIS, mais nous avons des idées très différentes. Quand je rêve de prendre un BATEAU pour les vacances et quand JE te parle d' ARC-EN-CIEL, tu me parles de la qualité des POMMES DE TERRE ! "
Pas mal du tout, non ? Joli texte. Beau contenu. Superbe rédaction. Pour des étudiantes qui ne parlaient pas un mot de français le 10 septembre dernier.