Il y a les badauds qui poireautent des heures sous le soleil et rêvent de la photo qu'ils ne prendront jamais. Il y a les journalistes professionnels qui sont là pour leurs chaînes. Il y a des passants de hasard ou de vouloir. Des gens qui s'arrêtent et qui s'attardent. Qui veulent "le" voir. Le voir de près. Qui ça ? Le nouveau. Le nouveau Président, bien sûr. Le futur. Celui qui prépare la transition. Celui qui va vivre ce soir son dernier soir de "Président élu" et qui, demain, après la passation de pouvoirs, sera le "Président". Le "Président, tout court". Le nouveau Président. Le Président "en activité". En exercice.
Il y a le service d'ordre. Plutôt sympa, ces jours-ci. Il y a ceux qui anticipent sur le chemin que prendra "Le Patron" quand il sera allé serrer quelques mains sur le trottoir d'en face. Le chauffeur a déjà pris place dans la voiture. Il y a ceux qui s'agitent. Ceux qui restent cois. Il y a moi qui suis là sans vraiment savoir pourquoi.
Si, au fond, je sais très bien pourquoi. Mais ça ne se dit pas. Ou pas comme ça. Et d'abord, comme j'aime à le dire à mon ami Marcel qui n'habite pas très loin du 59, je suis là pour "La venue de Ségur" ! Comme dans Beckett, comme dans Godot, je ne sais pas si Ségur viendra. Quoiqu'il advienne. A moins que Ségur ne vienne. Ahah !
L'avenue de Ségur ! L'avenue la plus demandée aux taxis parisiens depuis le 7 au matin. Le QG de campagne devenu QG de transition. Le 59 de l'Avenue de Ségur, le lieu le plus prisé même s'il est, désormais, hors de prix. Ce n'est pas le même charme que la petite rue de Bièvres. C'est différent. C'est un peu la même ambiance pourtant. Un Président qui prend son temps. A chaque sortie. Qui prend le temps d'une photo. Avec un anonyme qui se couvre soudain de célébrité soudaine. Une jolie femme qui veut s'immortaliser, en immortalisant l'instant. L'instant historique où la simple citoyenne tutoie l'Histoire de France en train de s'écrire. Un petit côté touchant et agaçant à la fois.
Je vais vous faire un aveu : je termine ce soir un reportage commencé il y a tout juste 31 ans. Un reportage commencé avec François Mitterrand, en mai 1981, et que je suis heureux de conclure, ce soir, en mai 2012, avec François Hollande. C'est juste une histoire entre "moi" et "moi". Une histoire de fidélité. Aux deux. Aux deux François. François 1er et François II.