Au commencement n'était pas le Verbe. Au commencement était une planète. Une planète ronde comme un ballon rond. Une planète et un soleil. Un soleil pour faire des jours et des nuits. Des saisons, des printemps, des hivers. Dans un système immense qui ne s'appelle pas encore univers. Un système solaire mais silencieux. Terriblement silencieux. Tellement silencieux que les Dieux de l'univers virent naître l'ennui dans leur éternité de Dieux. Un ennui insupportable.
Un beau jour, le plus vieux des Dieux, qui comme les hommes, prennent du "sage" en prenant de "l'âge", se dit qu'il fallait inventer quelque chose, quelque chose comme un jeu, un jeu avec un enjeu, pour donner un peu de sens et un peu de joie à leur vie de Dieux. Les hommes n'existaient pas encore.
D'un coup de tête dans une planète -une petite planète pour son front géant de Dieu- le plus âgé des Dieux prit soudain conscience qu'il venait d'avoir une idée de génie : il venait de créer la première passe. Le plus jeune des Dieux, qui passait par là, comprit que c'était à lui de poursuivre le mouvement : il contrôla, de l'intérieur du pied, la petite planète, avant de la remettre légèrement en retrait pour un troisième Dieu que le jeu, vraiment, amusa. Les Dieux s'entraînèrent, comme ça, en découvrant d'abord le "une-deux" puis le "une-deux-trois", car les Dieux, d'instinct, improvisèrent des actions de jeu en triangle.
Un quatrième Dieu fit son entrée dans l'espace. Il eut l'idée de bloquer la petite planète avec les mains. Les trois autres lui dirent : tu joueras gardien. Sept autres Dieux arrivèrent des quatre coins de l'univers. Il fut décidé que l'équipe était complète. Le plus vieux des Dieux dit qu'il fallait appeler ce jeu que la plupart des Dieux pratiquaient avec le pied, football, car les Dieux, en ce temps-là, parlaient anglais. Les Dieux contactèrent d'autres Dieux, dans d'autres univers, et disputèrent des millions de matches. Jusqu'au jour où, fatigués, ils décidèrent de créer les hommes, pour qu'ils jouent à leur place, mais qu'ils puissent, eux, les Dieux, prendre autant de plaisir à les regarder jouer, qu'ils en avaient eu, autrefois, à jouer eux-mêmes. Le plus vieux des Dieux, un lointain parent de l'entraîneur Denis Troch, fit aux hommes une seule recommandation, toujours actuelle, toujours valable, la plus belle et la plus précieuse des recommandations :" Passez les ballons que vous aimeriez recevoir ! "
La preuve que l'histoire est vraie ? Sur la Planète Bleue, dans chaque pays, sur chaque continent, les hommes, depuis la nuit des temps dessinent et construisent des dizaines de milliers de stades au rectangle vert. Ils organisent et disputent des championnats, des coupes, des coupes d'Europe, des coupes d'Afrique, des coupes d'Amérique, des coupes intercontinentales, et même, tous les quatre ans, la coupe du monde, la plus belle des coupes. La preuve que l'histoire est vraie ?
Que dit-on des hommes qui pratiquent à la perfection ce jeu divin, inventé, il y a des millions d'années, par des Dieux qui, dans leur éternité de Dieux, risquaient de s'ennuyer, de s'ennuyer à ... mourir, ce qui est interdit pour un Dieu ? Que dit-on de ces hommes que la Planète entière admire, et que les Dieux, parfois, envient ?
Tout simplement qu'ils jouent comme... des Dieux.