- Les trois titres que tu emportes sur une île déserte ?
- Une saison en Enfer, Les Illuminations et Alcools !
- Deux Rimbaud pour un Apollinaire ?
- Oui, et si j'ai droit à un quatrième, les Poèmes Saturniens du Pauvre Lélian !
- Pas de roman ?
- L'Etranger ! ou bien Le Grand Meaulnes !
- Je t'accorde les deux.
- Un recueil de nouvelles ?
- Raymond Carver !
- Non, j'ai dit "un" recueil !
- Non, j'emporte "tout Carver" !
- Tu vas devoir t'acquitter de la surtaxe : trop de livres dans ton bagage !
- Je voudrais ajouter deux ou trois Dagerman...
- Rien que ça !
- J'ai oublé Jules Vallès...
- Non, Vallès, tu laisses...
- Nizan, Aden Arabie ...
- To be or not to be ?
- Boris Vian, l'Automne à Pékin...
- C'est trop, t'en retires un !
- Non, tu plaisantes ! L'envers et l'Endroit, j'y ai droit ?
- Encore un Camus ?
- Oui, le premier, le Camus du début, le Camus des Essais, essais en forme d' histoires faussement simples où tout Camus est déjà là...
- Franchement, ça ne va pas, c'est trop, beaucoup trop, tu ne sais pas choisir...
- Je sais, "choisir, c'est renoncer " et c'est vrai, j'ai encore beaucoup de mal à renoncer...
- Allons, fais un effort...
- Non, j'pars plus, je reste. Mon île déserte, c'est ma bibliothèque, mon grenier, mes huit mètres soixante de quai. Là où j'embarque, en rêve, ou en vrai, quand je veux. Sans façon, sans manière. Superbe course en solitaire. Vieux loup de mer. Bibliothécaire amer. Libraire de plein air. Désolé mais... mon île déserte a... le mal de mer.