© Jean-Louis Crimon Paris. Rue de Boulainvilliers. 2013.
Froid. Très froid. Trop froid. Froid glacial. Froid sibérien. Froid polaire. Froid mordant. Froid piquant. Vague de froid qui vient d'Europe de l'Est. D'Ukraine et de Russie. De Pologne aussi. Plus de 200 morts déjà. Froid qui tue et que le vent accentue. Les voix de la radio n'en finissent pas de rivaliser de qualificatifs, de superlatifs et d'informations de saison. C'est comme ça, les petites phrases de la campagne présidentielle, - on ne s'en plaindra pas-, ne font plus la "Une". L'actualité s'ouvre sur le temps. Le temps qu'il fait. Le mauvais temps. Une quarantaine de départements en alerte orange. Plan "grand froid", ici. Alerte neige et verglas là-bas.
Comme si parler du froid devait nous mettre dans un tel effroi. Ce qui est effrayant, c'est la manière dont on prend conscience, à chaque vague hivernale, de la souffrance de ceux de nos contemporains qui vivent dehors. De ceux qui n'ont pas même un toit. Un chez-soi. Un chez-eux. Bien à eux. Chaque année, c'est la même histoire. A la hâte, on ouvre les gymnases, les réfectoires, on les rebaptise dortoirs. Pour eux. Pour ceux dont on s'indigne à peine, en été, qu'ils dorment dehors. En été, c'est vrai, dormir à la belle étoile, c'est presque poétique. Mais l'hiver, quelques degrès de plus en dessous de zéro et c'est le baromètre de l'indignation qui en prend un coup. Les "caritatifs" partent en maraude. Un camion, trois bénévoles. Nourriture. Couvertures. Sauvetages désespérés et désespérants tout autant. On les invite. On les presse. On les force. A ne pas dormir dehors. Pour la nuit. Juste pour la nuit. Au petit matin, c'est connu, bien avant la glace, fond la générosité nocturne. A nouveau, dehors, faut aller se geler les burnes. On les rend à la rue. On les remet dehors. Jusqu'au soir. A déambuler sur les grands boulevards. C'est curieux comme nous vivons une époque incroyable où l'on s'étonne que ce soit l'hiver ... en hiver.
C'est l'été qu'il faudrait prévoir la construction de ces gigantesques dortoirs où l'hiver, dormiraient, au chaud, tous les exclus. Entendu, ce matin, à la radio : aujourd'hui, en France, 135.000 personnes vivent dans la rue.
Plus tard, le soir, à la gare, dans le regard de cet homme à qui tu donnes ta pièce de "1 euro", s'imprime, avec le mot "merci", une phrase muette qui en dit long sur la dureté du coeur des gens : "L'hiver des sentiments, c'est tout le temps".
Qui a dit : A la Chandeleur, l'hiver se meurt ou reprend vigueur ?