© Jean-Louis Crimon Paris. 9 Mai 2012.
"Avant de m'endormir, j'ai encore joué aux mots, aux mots qu'on invente avec des lettres. Les lettres, on les écrit en gros caractères sur des morceaux de carton de boîtes à sucre Béghin ou de boîtes d'ampoules de fortifiant de la tante Laure. Après, on découpe les lettres au carré, de la grosseur d'une moitié de domino, et on les met dans la boîte aux lettres, une vieille boîte à chaussures rebaptisée boîte-alphabet, où l'on plonge la main pour pêcher des lettres et créer des mots. Des fois, on remélange les lettres d'un mot déjà trouvé pour essayer d'en faire un autre. J'ai trouvé comme ça le mot magie avec le mot image et le mot génie avec neige. Je me suis endormi en imaginant les lettres neiger à gros flocons sur le lit de l'écrivain. Mais le lendemain, tout était à recommencer : je me réveillais entre les deux pages blanches de mes draps blancs et il n'y avait aucun titre sur la couverture de mon lit qui était la couverture du livre que je n'avais pas écrit.
"Dehors, c'était toujours l'hiver. Il y avait encore de la glace aux vitres de la chambre, des feuilles de fougère blanches et des fleurs de glace, plus vraies, et plus belles que nature, comme si le froid, la nuit, pour se chasser la piquette au bout des doigts, jouait du pinceau et de la palette, aux fenêtres des gens."
Verlaine avant-centre. (pages 54/55). Le Castor Astral. Janvier 2001.