© Jean-Louis Crimon Paris. 41, Quai de la Tournelle.
Bizarre sensation de renaître. Fini le nez à la fenêtre. Redoux salutaire après les grands froids. Presque agréable de se retrouver dehors. Même si le vent du nord n'est pas d'accord. Guère nombreux pourtant sur le quai. Soit dit en passant, tout aussi peu de passants. Alignement monotone de boîtes étrangement muettes. Bouquinistes en grève ? On se le demande. De Saint-Michel à La Tournelle, une dizaine à peine. Leurs boîtes tendent leurs couvercles comme de vieux oiseaux verts qui claquent du bec. Bouquinistes téméraires à braver un ciel pas franchement menaçant, tout juste incertain. Cela pour le décor.
Soudain, presque divin, débarquent, d'on ne sait où, trois promeneurs qui prennent le temps de s'arrêter à hauteur de vos boîtes. Lumineuse éclaircie dans une après-midi trop grise. Echange de sourires. Puis regards qui se croisent, se dévisagent et se reconnaissent sans se connaître. Quelques mots alors. On parle. On se parle. Du temps qu'il fait. Du temps qui passe. De la présidentielle. Des présidentiables. Présidentiables qui se saoûlent de projets, de programmes. De valeurs. Leurs valeurs ne sont pas les nôtres. Les valeurs sûres. Celles de la littérature. Les livres sont ivres. De joie.
Un homme pressé s'arrête. Se plante en face de Dante. Dante en trois volumes. Dans une excellente traduction. Celle de Jacqueline Risset. Flammarion. Combien ? Quarante euros les trois. Je prends. J'emporte. Depuis le temps que je la cherche, cette édition. Une homme heureux rentre chez lui, son Dante en trois, sous le bras. Son Dante en trois acheté en moins de deux.