Nez dans le guidon, le premier dit "Confiance et détermination". Adepte tardif de la méthode Coué, il affirme être "sûr d'être premier dimanche soir", avec "une large avance". Le sortant, c'est ainsi, a toujours d'extraordinaires sorties. Le second la joue modeste et réaliste : "Le changement, c'est dès le premier tour". Le troisième donne un conseil, faussement désintéressé : "Choisissez celui qui dit la vérité". Le quatrième martèle depuis le début, au risque de passer pour un être imbu :" Qu'ils s'en aillent tous ! " Il y a des idées et des idéaux. Il y a du beau monde et du moins beau;
Il y a celle qui beugle et vocifère : "C'est à la faute à hallal, c'est la faute à casher"... Il y a... , il y a... , il y a... Il y a... Il y a 10 candidats qui, pour mener campagne, ont battu la campagne, avec des arguments parfois en rase campagne. Il y a celui qui veut relancer la conquête spatiale pour créer des milliers d'emplois. Il y a l'ouvrier du NPA qui, bonne blague, avec ses camarades, squatte symboliquement l'Hôtel Crillon.
Crillon, Crillon, Crions, Crions bien fort : y'en a marre du droit du plus fort ! Il y a, ne l'oublions pas, l'armada des instituts de mesure de l'opinion qui disent et contredisent à tour de (sondages sous le) bras.
- 29% pour François. 25 et 1/2 % pour Nicolas.
- Non, en fait, tous les deux dans une fourchette, à 26 /27 !
- Mais aussi le total des gauches à 46 1/2 %, comme en 81, pour Mitterrand.
Il y a la bévue de BVA, les largesses de la SOFRES ou la sauce d'IPSOS. Chacun sa recette. A la fin, c'est l'électeur qui fait ses emplettes.
Il y a les médias qui vont marquer la pause. Pour mieux se préparer à ce qui est tout de même aussi un super-méga-show. La télévision et la radio. Les chaînes tout info. Parfois tout en faux. La télé et ses invités. Ses experts. Ses commentateurs. La radio qui affirme, extraordinaire slogan : "L'image ne sert à rien pour comprendre, restez donc chez nous !" Il y a surtout 25 % d'électeurs dont on ne sait pas encore ce qu'ils vont faire. Aller, in extremis, s'isoler un instant dans l'isoloir ou rester à la maison. Pour une bonne et simple raison : ils n'ont pas encore choisi. Pas encore choisi d'aller voter. Un électeur sur quatre qui choisirait l'abstention. Un quart du corps électoral qui choisirait de ne pas prendre part au choix. Inquiétant. Vraiment. Terrifiant même.
Reste que ce soir, à minuit, c'est fini. Fin de la campagne officielle pour le premier tour de la présidentielle. La radio, la télé, se feront muettes. Côté info politique, s'entend. Muettes, sur le sujet. Jusqu'à dimanche soir, 20 heures. Plus de chiffres. Plus de courbes. Plus d'analyses. Plus de commentaires. Des vacances. Pour tout le monde. On va enfin pouvoir parler d'autre chose. De culture. De cinéma. De musique. De chansons. Les 10 candidats pourront décompresser. Les télespectateurs, les auditeurs, pareillement. Deux jours de break. Mais, très vite, le cirque démocratique reprendra ses droits. Dimanche 22 avril, 20 heures. Dramaturgie déjà écrite. Scénographie rodée.
Jingle... Ils ne sont plus 10 candidats, mais seulement deux... Dans 20 secondes, leurs visages sur l'écran... Les premières estimations... Chacun viendra, forcément, crier victoire. Surtout les battus. Les huit pour lesquels les carottes sont cuites. En dehors des plateaux, ce sera à tu et à toi. Le temps des alliances reprendra ses droits. On pactisera et on "pactera". Des paroles et des pactes. L'animal politique ne se refait pas. Une seule certitude :
Pour connaître le nom de son prochain Roi,
Quinze jours encore, le peuple attendra.