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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 13:46

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© Jean-Louis Crimon      

 

 

 

 

Il fait froid. Vraiment froid. Cette fois, c'est l''hiver. L'hiver est là. Bien là. 10 janvier 2012. Fin de mes quatre mois chinois. Me reste une petite heure avant de partir pour l'aéroport. Le campus est désert. Les étudiants sont repartis chez eux pour les vacances de fin de premier semestre. Aussi pour préparer, en famille, les fêtes du nouvel an chinois. Personne ne m'a invité. Je pars. Mais, en fait, pour la fête, je serais bien resté. Pour vivre ça. Vivre ça de l'intérieur. Ce sera pour une autre fois.

Lieu de prises de vues négligé pendant quatre mois: le supermarché. Deux étages de petits commerces à proximité du bâtiment des Relations Internationales. Bâtiment où je résidais. Dans un appartement plutôt vétuste. Peuplé de cafards gros comme le pouce. De lézards bizarres qui faisaient leur sieste vespérale dans les doubles rideaux. De rongeurs insomniaques qui festoyaient chaque nuit dans la cuisine. Cohabitation surréaliste. Obligation de fermeture quotidienne de toutes les portes pour ne pas s'endormir dans le monde des cloportes.

Dans les boutiques du supermarket, Professeurs et étudiants se croisent à longueur de semaine. Dans une bonne humeur indifférente. On y trouve de tout. De l'alimentaire, du culinaire, de l'épicerie, du thé, du café, de la bière, du numérique. Des salons de coiffure. Des manucures. De la lingerie fine. Le style des photos des femmes occidentales sur les pubs tranche avec le côté très pudique et réservé des Chinoises.

Depuis que je suis là, depuis quatre mois, il y a des dizaines d'images que j'ai volontairement laissé filer. Que je n'ai pas pris le temps de prendre. Aujourd'hui, je prends conscience, cruellement, que c'est dommage. Bien dommage. Y-a-t-il quelque chose à gagner quand on a une heure à perdre ? Je me dis que oui. Je veux croire que oui.

Seule présence humaine dans ce campus désormais silencieux: celle du gardien. Un paysan sans terres et sans travail, embauché, à la ville, comme beaucoup de campagnards, dans la sécurité. Toujours en mouvement, d'un étage à l'autre, il fait son métier: il marche. Il va. Il vient. Pour qui ? Pour quoi ? Vers où ? Je l'ignore. Ou je fais semblant. J'ai tort.    

Le gardien, dans son manteau de militaire, arpente à grand pas les allées du supermarket. Je ne connais pas son itinéraire. Il improvise, je crois. Je décide de me poster juste en face de l'allée principale. La photo de cette belle femme dénuée, à droite, dans le cadre, puisqu'elle regarde sur la gauche.

Il a surgi brusquement. A débouché de je ne sais où ? S'est avancé à grands pas. Je savais que je n'avais pas le temps d'appuyer deux fois sur le déclencheur. Je ne pourrais prendre qu'une photo. Une seule. Sans me faire prendre. J'ai profité de ce coup d'oeil qu'il donne sur la gauche. J'ai cadré au jugé. Avantage du 35mm. J'ai appuyé. J'avais ma photo. Les bras dans les manches, à la manière d'un capucin en kaki: bras gauche dans la manche droite, bras droit dans la manche gauche, ont accentué l'insolite de l'image. 

Ce fut ma dernière photo sur le campus de l'Université Normale du Sichuan, à Chengdu. J'hésite toujours à lui donner un titre. Paradoxe. Contraste. Contradiction. Mimétisme. Mimétisme au pays du Communisme.

Comment dire en mots l'essence de la photo ? Je me dis que la photo suffit. Que ce qu'elle exprime, ou désigne, n'a pas besoin d'être nommé. Mais simplement montré.

C'est juste une photo.

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