© Jean-Louis Crimon Paris. Quai de la Tournelle.
Le titre est à la fois inattendu et attractif. Attirant. Vraiment. Il s'agit d'un petit ouvrage de la collection "Les Essentiels Milan". Date de parution : Janvier 2000. Une soixantaine de pages. Des questions en tête, et en titre, de chaque chapitre. La quatrième de couverture nous apprend que l'auteur, Bertrand Vergely, est agrégé de philosophie. Qu'il enseigne -à l'époque- la philosophie à Orléans et à Paris. C'était il y a douze ans.
Pourquoi me suis-je mis à parcourir les pages de cet étrange petit livre ? Sur le quai, lire est un passe-temps possible. Agréable parfois. Le bouquiniste a de quoi lire. Il ne manque pas d'ouvrages. Mais ce n'est pas mon passe-temps préféré. Le nez plongé dans un livre, le bouquiniste se coupe de la relation aux passants. Il ne croise plus aucun regard. Souvent des promeneurs m'ont fait la remarque : vous, au moins, vous n'êtes pas enfermé dans votre lecture. Certains de vos collègues ne relèvent même pas la tête. On n'ose pas les déranger. On passe notre chemin et on va plus loin. Sûr que cette attitude du bouquiniste assis sur son pliant, absorbé par sa lecture, a de quoi décourager les acheteurs potentiels. Donc, je ne lis pas souvent sur le quai. Mais cette fois, comme on dit, ça s'y prêtait. C'est le titre de l'ouvrage qui m'a d'abord interpelé. Le petit livre se trouvait dans la première boîte. Il était à portée de main. Il me tendait les bras. Je le sentais solitaitre. Délaissé. Il n'y avait pas un chat à deux cents mètres. Début d'après-midi paisible, début de semaine tranquille. Peu de monde sur le quai. Assis sur le parapet, donc, je feuillette. Tout en jetant un regard de temps en temps à mes boîtes. Au cas où un indélicat n'en profiterait pas pour m'emprunter définitivement un bouquin qui l'intéresse, mais qu'il ne veut pas payer. Le vol est pratique courante sur le quai. C'est agaçant. Je peux donner un livre à quelqu'un qui me dit : "je n'ai pas de quoi payer", mais j'ai horreur qu'on me pique quoi que ce soit. De valeur ou pas. La technique la plus courante, c'est le grand sac en toile entre les jambes, plusieurs ouvrages en mains, coup d'oeil furtif à droite et à gauche, et on laisse tomber l'ouvrage choisi dans le sac entrouvert. Elémentaire. Je l'ai vu faire à plusieurs reprises. Parfois par des gens très bien qui n'avaient manifestement aucun souci d'argent. C'est déroutant. C'est dégoûtant. Problème: il faut les prendre sur le fait. Sinon la main, du moins le livre, dans le sac. J'ai quelques succès à mon actif dans le domaine. Parfois je laisse faire. Je laisse filer. Le dérisoire petit bonheur du voleur ne mérite pas que je lui cours après.
Revenons à ma lecture et à mes titres de chapitres. Sommes-nous les otages du destin ? Faut-il fuir tout conflit ? La souffrance grandit-elle l'homme ? Est-il vain de penser à la mort ? La solitude est-elle le malheur de notre condition ? Plus léger, si vous préférez, mais tout aussi sérieux : Peut-il y avoir de l'amitié entre un homme et une femme ? Et enfin, pour finir sur un sourire : L'humour est-il forcément déplacé ?
L'auteur, Bertrand Vergely, nous dit, dans un beau mouvement dialectique dont les philosophes ont le secret : La vie est grave mais elle est aussi légère. A trop voir le côté grave de la vie, on finit par oublier sa beauté. A ne voir que sa beauté, on finit par oublier sa gravité. La philosophie nous enseigne à ne rien négliger de ce qui est grave comme de ce qui est léger.
Petit Précis de Philosophie Grave et Légère, c'est le titre du petit ouvrage en question. Je vous le conseille. Tiens, il est comme neuf, mais je vous le laisse à cinq euros. C'est une bonne occasion. Une occasion de vous mettre en douceur à la Philo. La Philosophie, croyez-moi, ça n'a pas de prix.