© Jean-Louis Crimon
Passer dans les clous. Traverser dans les clous. On disait ça autrefois. Quand de grosses têtes de clous en cuivre indiquaient le chemin à suivre.
Un jour, les clous ont disparu. Le clavier de bandes blanches est apparu. On a continué, un temps, de dire passage clouté. Puis s'est imposé passage piétons. Passage pour les piétons. Les piétons, on le sait, traversent en bande. Sauf les jours de manifestation. Quand le peuple en a assez de travailler pour des clous. La colère populaire descend alors dans la rue. Déferle dans la ville. En dehors des clous. Marée humaine qui en a marre. Marée humaine qui se voit opposer une autre marée: la maréchaussée. Déferlante imposante. Le piéton ne peut plus passer. Des chaussures cloutées ont barré l'accès. Pouvoir toujours dans l'excès. Le pouvoir ne veut rien entendre. Entend seulement mater le peuple. Lui river... son clou.
Fin de manifestation. Des gardes mobiles, immobiles, pour interdire les automobiles. Clou du spectacle: une escorte cloutée pour emprunter le passage. Le piéton hésite.
Traverser dans les clous. Des clous ! Traverser dans les clous. Aujourd'hui, ce genre d'expression, ça ne vaut plus... un clou.