© Jean-Louis Crimon Paris. Février 2012.
Dans la grisaille du matin gris, un homme tout en gris, face à un rideau de fer gris. Tout est gris autour de lui. Les grosses mailles grises du rideau de fer gris. Cotte de mailles d'un siècle toujours prêt à guerroyer. Pull géant tricoté à grandes aiguilles grises. Gris le trottoir. Gris les murs de la boutique où des travaux se font dans la lumière grise. Les vêtements de l'homme sont gris. Pour être en harmonie avec la poussière. Grise, comme chacun sait, la poussière.
Je me souviens d'un poème écrit au tout début des années 70. Sur le campus, plutôt gris, où j'habitais, il y avait de grands travaux de construction. De grandes grues grises, girafes mécaniques, s'en allaient brouter les gris nuages. De mémoire, et à grands traits, ce poème d'un étudiant en philo de vingt ans. L'étudiant que j'ai été. Dans le campus tout gris d'une ville à l'époque plutôt grise.
Par ma fenêtre, je ne vois que du gris,
Du gris de ciel
Que cache par endroits du gris de murs
Du gris de murs
Où se profile parfois du gris de grues,
Du gris de grues
Pour peindre encore du gris de murs.
Et tout en bas,
Du gris de gens qui passent,
Et taches grises sur gris de rues s'effacent.
Par ma fenêtre, je ne vois que du gris
du gris de ciel
du gris de murs
du gris de gens
du gris de rues
du gris de grues
du gris de gris
Du gris de gris dans le gris du brouillard
Et le matin a l'air d'être déjà le soir.
Comme on dit, - c'est banal, c'est cliché -, ce texte n'a pas pris une ride. On ne peut pas en dire autant de son auteur.