© Jean-Louis Crimon
Victor Hugo a écrit Choses vues. Pas la partie la plus connue ou la plus appréciée de son oeuvre. Ce qui, au fond, me déçoit et m'attriste. A ma façon, j'essaie d'écrire Choses vues. Sous forme de photos. On a coutume de dire Pas un jour sans une ligne. Depuis que je me suis remis à la photographie, je me dis Pas un jour sans une photo. Une photo. Une vraie photo. Une image qui dit quelque chose. Qui raconte une histoire. Qui pourrait être une chanson. Une nouvelle. Un roman. Une photo qui écrit. Une photo qui s'écrit. Une photo... graphie.
Bien sûr, pas question pour moi de tutoyer le talent de celui qui, à quatorze ans, s'était écrié Je veux être Chateaubriand ou rien. A côté de ce monstre littéraire, je suis définitivement poids plume. Poids plume dont la plume n'a pas de poids. En commun avec le grand Victor, pourtant, le goût des mots d'esprit, des mots de la rue, des coups de coeur ou des coups de gueule. La passion de la chose publique. De la République. Mais, je le sais, tant mieux, tant pis, mes indignations ou mes colères de papier, siècle vain ou vain et un, n'auront que peu d'intérêt pour la postérité. Aussi peu d'intérêt que le peu d'intérêt que leur portent mes contemporains.
Que mes Choses vues à moi restent en marge, comme celles du grand écrivain classique, ne me décourage pas. Mes Choses vues à moi sont, au départ, délibérément, volontairement, en marge. Entre l'essentiel et le dérisoire. Entre le dérisoire et le déroutant. Entre l'essentiel et les sans-ciel. Entre l'importun et l'important. Entre l'utile et le futile. Entre le bruit et le silence. Entre le faible et le fort. Entre le solide et le fragile.
Parfois une idée, comme une vie, du moins on le dit, ça ne tient qu'à... un fil.