Rome, 3 Septembre 2012. © Jean-Louis Crimon
C'est à deux pas de Piazza della Repubblica. Juste à l'entrée de la rue des Termes de Dioclétien, la Via delle Terme di Diocleziano. Une petite maisonnette. Style guérite des marchands de billets de Loterie Nationale d'autrefois. Années cinquante ou soixante. Vraie petite maison. D'ailleurs on peut s'asseoir à l'intérieur. A l'abri du soleil ou de la pluie. A titre tout à fait exceptionnel, Rome a eu droit, cet après-midi, à quelques belles averses. Les marchands de parapluie ont fait rapide fortune auprès des touristes que trois gouttes d'eau paniquent.
La maisonnette d'Angelo possède une double façade de livres. Le bouquiniste romain a le commerce des mots chaleureux. Le commerce des livres généreux. On peut faire, chez lui, de belles acquisitions. La Nouvelle Héloïse, en quatre petits volumes, à couverture verte. Le premier, daté en chiffres romains, ça s'impose, M.DCCC.VI et les trois autres, en chiffres arabes, 1829. A peine au prix de quatre Poche.On a le droit de feuilleter chez Angelo. Sans obligatoirement acheter.
La page de titre voulue par Rousseau est toujours assez impressionnante. Trop de texte. Beaucoup trop de texte. On relit :
Julie ou La Nouvelle Héloïse; ou Lettres de deux amants, habitants d'une petite ville au pied des Alpes; recueillies et publiées par J.J.Rousseau. Non la conobbe il mondo, mentre l'ebbe; Connobil' io, ch 'a pianger qui rimasi. PETR. Le monde la posséda sans la connoître; et moi je l'ai connue, je reste ici bas à la pleurer.
Pétrarque bien sûr, pour la citation en vieil italien, traduite en vieux françois par Rousseau. Pétrarque qui a si bien célébré Laure de Noves. Dans son recueil Le Canzoniere. Recueil de poèmes dédiés à la belle Provençale.
Sur cette même page d'ouverture de La Nouvelle Héloïse, juste en dessous de Tome Premier, on précise côté imprimeur : Edition Stéréotype D'après le procédé de Firmin Didot. A Paris. De l'Imprimerie et de la Fonderie Stéréotypes. De Pierre Didot l'Aîné, et de Firmin Didot. M.DCCCVI.
Autre trésor parmi les livres d'Angelo : Les Commentaires de César sur la Guerre des Gaules. En deux tomes. Rédigés, ça ne va pas de soi, en vieux françois. Tome Premier et Second imprimés à La Haye, chez Jean Swart. M.DCC.XLIII. 1743, pour ceux qui ne lisent pas dans le texte les chiffres romains.
A Rome, selon Angelo, on dénombre une quarantaine de bouquinistes. Pas davantage. Une petite vingtaine Via delle Terme di Diocleziano, dont quatre vrais, précise Angelo, -les autres vendent surtout du porno, quelques uns près de la Villa Borghese, d'autres enfin près de Sant'Angelo.
Angelo vend aussi des cartes postales anciennes, des revues de cinéma, des publicités, des photos de la dernière guerre mondiale, - documents de l'Italie Mussolinienne apparemment toujours très recherchés, des soldats de plomb et un peu de littérature contemporaine. En prime, et en permanence, le passionné de Militaria offre gratuitement un sourire désarmant et une conversation savoureuse. En dialecte romain. Trop bien. On se revoit demain.