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16 juillet 2011 6 16 /07 /juillet /2011 22:03

 

"Comme l'eau qui goutte à goutte tombe du toit,

Pleure mon triste coeur..."

 

Me reste juste en mémoire, en ce samedi de pluie froide sur la ville, ce début de poème raturé en classe de troisième. Lis tes ratures était pour moi Littérature. La Prof de Français se prénomme Claire, je m'en souviens très bien. Elle a pris en affection le cancre que je dois être. En tout cas, je le crois. Je l'ai cru.  Longtemps. Sans le savoir, c'est elle qui m'a sauvé la vie. Ma vie d'élève et ma vie tout court.

 

En cours, elle semblait prendre un malin plaisir à m'obliger à réciter, chaque semaine, devant mes camarades pas franchement médusés, mes dernières trouvailles. D'ailleurs, elle disait "mes compositions". Compositions poétiques. La faute à Dudule, Dufresnoy, mon voisin de salle d'études, qui m'avait piqué un jour - le traître- mon cahier de poèmes pour le glisser dans le cartable de la Prof. Composition Française était ma matière préférée, la seule avec Dessin Artistique où je manifestais quelques qualités. Ou plutôt, formule du conseil de classe, quelques dispositions.

 

Mon "Gouttagouttetombedutoit" avait plu d'emblée à la petite Claire -elle n'était pas plus grande que nous. De l'estrade -c'était avant mai 68- elle s'était exclamée, faussement solennelle, mais vraiment convaincue : "allitération en T". Elle qui désespérait, depuis un bon mois, de nous faire trembler d'effroi devant le fameux "pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes" venait de trouver, dans ma dernière trouvaille, de quoi nous convaincre des bienfaits du style et de l'allitération. Elle avait pris toute la classe à témoin :

- Voyez l'importance du son dans le sens de ce début de poème très réussi "Comme l'eau qui goutte à goutte tombe du toit" ! On perçoit vraiment la musique de cette goutte d'eau et le second vers "Pleure mon triste coeur" est très annonciateur de cette mélancolie soudaine qui frappe le poète... On a envie d'entendre la suite, on a envie de savoir ce qui va arriver, ce qui va se passer... dans la vie de ce poète si... mélancolique...

 

Je ne savais plus où me mettre. Derrière qui me cacher. J'avais honte. Vraiment honte. Honte de fierté. Fier, je ne le suis plus. J'ai perdu mon cahier de poèmes de ce temps-là et je n'arrive pas à retrouver la suite de mon début de poème de troisième...

 

Comme l'eau qui goutte à goutte tombe du toit

Pleure mon triste... moi.

 

© Jean-Louis Crimon

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commentaires

Y
<br /> Je me souviens de ce texte écrit par Roda Gil pour Julien Clerc : "J'ai la raison arraisonnée dans un port désert dérisoire, toute ma vie s'est arrêtée comme s'arrêterait l'histoire…" quelle belle<br /> illustration (aussi) de l'allitération.<br /> <br /> <br />
K
<br /> Ce sont ces poèmes qui ont décelé les talents d'adolescents et nous on fait comprendre que la poésie c'est aussi une musicalité des mots ! Voilà un bien joli souvenir dont il ne faut pas rougir<br /> mais cela vient conforter ce que l'on sait.<br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Merci de ce clin d'oeil complice !<br /> <br /> <br /> JLC.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Bonsoir ! Votre prof de Français au prénom si doux et si Claire vous a laissé un souvenir inspirateur ! En vous lisant , je buvais le thé ...alitération oblige !<br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Merci, c'est un souvenir" enthétant" !<br /> <br /> <br /> <br />

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