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2 novembre 2024 6 02 /11 /novembre /2024 08:57
Contay. Cimetière des catholiques. 22 Mars 2009. © DR.
Contay. Cimetière des catholiques. 22 Mars 2009. © DR.

Contay. Cimetière des catholiques. 22 Mars 2009. © DR.

Elle était belle ma lettre au Maire de Contay, simple et belle, mais à l'unanimité des neuf membres du Conseil municipal, ma demande d'achat de quelques mètres carrés dans le cimetière catholique, n'a reçu qu'un refus catégorique. J'aurais peut-être dû demander une place dans le cimetière des protestants.

"Plus personne ne te connaît !" et "On ne veut pas d'étranger dans notre cimetière !" furent les deux  raisons invoquées par le Maire, de quelques années mon aîné, fils unique de la ferme Boivin, où j'allais, enfant, acheter le lait et le beurre de notre famille. J'essayais d'argumenter, je m'enhardissais à parler de mon beau roman d'enfance, "Verlaine avant-centre", où j'évoque la buttresse, la source du village, la clairière du Mont-Faÿ, la rivière l'Hallue, les Royales, ces grands talus herbeux où l'été, à la fin de nos jeux de piste, nous faisions de folles glissades. Le Maire, pas vraiment littéraire, avant de couper court, me lança, cruauté inutile : "Ton livre, on l'a pas lu ! " 

 

Depuis, le Maire, lui, a eu sa place au cimetière : il est mort. Sa fille lui a succédé à la Mairie. Moi, je suis toujours vivant et je ne sais toujours pas comment je pourrais, un jour, savoir si j'aurai droit, ou pas, à une petite place dans leur grand cimetière. Les quatorze premières années de ma vie, je les ai pourtant bien vécues dans ce village que j'ai toujours considéré comme le mien. J'ai même été, de mes 7 à mes 14 ans, enfant de choeur, et j'ai servi un nombre incalculable de messes, messes basses de semaine, messes chantées du dimanche, messes de mariage et messes d'enterrement, vêpres, baptèmes, communions, processions. En ce temps-là je n'étais pas "un étranger", j'étais l'un des leurs, l'un de leurs habitants, l'un de leurs paroissiens, un vrai Contaysien. Fier et heureux de l'être.

 

Il y a quinze ans, allongé dans l'herbe, couché sur le dos, je m'étais fait photographier en position de gisant, pour rire, pour sourire, pas pour mourir. Juste pour savoir si l'endroit me convenait bien pour "mon repos éternel ". L'avantage - si l'on peut dire - de cet emplacement, c'est qu'on peut apercevoir au-dessus de la haie - à travers les troncs bien droits des peupliers - la maison qui fut la mienne autrefois. Jusqu'à mes 14 ans. Jusqu'à ce qu'on déménage pour un autre village. C'était il y a soixante ans. Autant dire avant-hier. A une époque où je ne me préoccupais pas encore de ma place au cimetière.

 

© Jean-Louis Crimon

 

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