Paris. Les Ondes. 10 Avril 2014. © Jean-Louis Crimon
Si je crois en Dieu, je m'incline face à la Providence. Même sous la forme d'une simple coïncidence. Ma mère adorait tellement cet homme-là, la parole de cet homme-là, et je lui ai tellement offert, à ma maman, souvent dès leur parution, un à un, tous les livres de Guy Gilbert. Alors, que je croise, à deux pas de la Maison de la Radio – hasard providentiel –, le chemin de ce curé des loubards et des paumés, avec sa tronche à la Léo Ferré, sûr, c'est un signe, un message, ou une bonne blague, un sms espiègle, un texto céleste, un clin d'oeil surnaturel très maternel, un sourire malice cieux de Juliette Zanda, ma mère, qui dort sous la terre depuis cinq nuits déjà, et qui aimait tellement ce prêtre-là. Le berger des loubards, des motards et des stars.
Lui ai confié ça à Guy Gilbert, en le rencontrant, la mort de ma mère, qui a rejoint mon père à Saint-Souplet-sur-Py, dans ce petit cimetière crayeux de la Champagne pouilleuse. Mon père né dans la Marne, ma mère née dans la Meuse. Pour me donner vie en Picardie. Me laisser vieil orphelin aujourd'hui.
Le Père Gilbert a sorti de son portefeuille une jolie petite carte, une carte avec sa photo, et il a écrit : "A Juliette, je prie pour elle !" M'a donné la carte en me prenant dans ses bras. Pour mieux me dire : "Courage camarade ! Que tu crois ou pas, je partage ta peine, je suis avec toi. Avec ou sans Dieu, ta souffrance, je la fais mienne !" Me suis mordu la langue pour ne pas lui dire : "Arrête tes conneries, l'Abbé, sinon je retourne à l'Eglise et d'abord à confesse ! "
En le quittant, lui ai fait la plus belle profession de foi possible pour un mécréant : " je ne crois pas en Dieu, moi, mais s'il existe, Dieu, sûr, lui, il croit en moi ". Guy Gilbert a éclaté de son bon rire de curé sans soutane et on s'est promis de se revoir bientôt.
© Jean-Louis Crimon