Pour mes 7 ans - l'âge de raison - décision de Tante Laure, que tout le monde au village savait si pieuse que certains la disaient même un peu beaucoup bigote, j'ai débuté ma carrière d'enfant de choeur. Les réticences maternelles n'ont pas pesé lourd face aux arguments de la Tante, marraine de mon père de surcroît. De sûre croix. Pour Tante Laure, il y allait du Salut de mon âme. Pour moi, Christ fils de Dieu ou pas, ce fut le début d'un vrai chemin de croix.
Je suis le plus petit des enfants de choeur, le plus jeune, le plus rêveur aussi. La messe en latin, avec ses "Dominus vobiscum Et cum spiritu tuo" et ses prières chantées, "Ave Maria, Sancta Maria, Mater Dei, Ora pro nobis"... "Pater noster qui es in caelis", les pleurs déchirants de l'harmonium, le moment de la procession pour la communion, têtes baissées pieusement ou têtes basses des pécheurs repentants, font un grand théâtre et j'en suis l'un des acteurs. Pas le plus important, mais aux premières loges. La Tante Laure l'a voulu ainsi. Le jour de mes 7 ans, elle est allée trouver Monsieur le Curé pour lui dire que je devais servir la messe.
Sur la photo, je suis devant l'Evêque, reconnaissable à la mitre qu'il porte sur la tête. J'ai le regard attiré par quelque chose qui se passe hors champ, hors cadre. Comme mon alter ego, de l'autre côté de la grande croix que porte celui qui est le plus grand de nous trois. Sans doute des fidèles en marche vers l'autel. Tout en remplissant parfaitement le rôle qui leur incombe, les enfants de choeur se laissent parfois distraire.
Curieux, - observation jamais faite jusqu'à aujourd'hui -, de nous trois, je suis le seul dont on ne voit pas la croix. Cachée sans doute sous mes bras... croisés.
© Jean-Louis Crimon