Contay. Février 1952. Tante Laure, née le 7 février 1868, porte allégrement ses déjà 84 ans, et moi, le petit enfant, né le 7 août 1949, - tout juste 2 ans et demi -, je porte le pot à lait. Est-ce qu'on part à la ferme Ternisien ou bien est-ce qu'on en revient ? Ma petite main gauche dans la main droite de Tante Laure, je n'en sais trop rien. Tante Laure réinventée, "ressuscitée", éternelle à tout jamais, dans mon premier roman, "Verlaine avant-centre", publié au Castor Astral, début janvier 2001. Aérienne, pour ne pas dire hautaine, Laure impressionne. Dans tous les sens du terme. Pas seulement le négatif et le papier photographique. Quand elle vous regarde, elle vous toise. Mesure instantanée de votre taille, pas seulement physique, surtout comment vous êtes bâti à l'intérieur. Très vite elle sait qui fait ou ne fait pas la taille. Elle sait lire dans les consciences. D'ailleurs c'est elle qui prépare les enfants du catéchisme à faire leur examen de conscience. Au village, tout le monde l'appelle Tante Laure, elle est la doyenne. En âge autant qu'en expérience de vie.
Ce mur géant qui sépare les jardins des deux maisons pourtant jumelées doit bien faire près de trois mètres de hauteur. Briques rouges et joints de ciment clair, joints de ciment par endroit plutôt fortement déjointoyés. De l'autre côté du mur, il y a la petite maison des Crimon. Tout au bout du mur, il y a une petite porte qui permet de passer d'une maison à l'autre.
© Jean-Louis Crimon