Rituel de fin d'après-midi d'été. Ecossage des haricots blancs ou bien équeutage des haricots verts. Au choix. Giulietta, la mamma domine la scène. D'un air entendu ou amusé. Nous sommes côté cour de la maison de Contay, sur la partie engazonnée. Depuis qu'il travaille comme jardinier au cimetière anglais, mon père a acheté une tondeuse à rouleau et il transforme le moindre petit espace herbeux en pelouse douce à la plante des pieds. L'été, on a le droit d'y marcher pieds nus. C'est moelleux, tellement mieux que sur les allées caillouteuses aux petits silex tranchants. Une vraie moquette, dit ma mère en riant et en caressant l'herbe bien rase.
Tous les légumes que nous consommons sont récoltés dans notre jardin. Haricots verts, haricots en grains, petits pois, poireaux, carottes, pommes de terre, salades, romaine ou batavia, scaroles, frisées, laitues, grosses blondes paresseuses ou pas, même les fruits mûrissent avec bonheur chez nous, poires, pommes, groseilles, cassis, cerises, fraises, framboises. Simple, notre jardin, a prêché l'autre dimanche dans son sermon Monsieur le Curé, - au risque de nous fâcher avec toute la communauté des paroissiens -, c'est le plus beau du village, exactement l'image du Paradis sur Terre. Pas très catholique comme fin de prêche dominical, ai-je murmuré tout bas, dans mon aube blanche d'enfant de choeur. Mais je n'ai rien dit, juste pensé très fort en moi-même : si notre jardin, c'est le paradis sur Terre, alors vraiment, pas de quoi s'enfer !
© Jean-Louis Crimon