La jeune fillle qui ressemblait à un cygne. Titre d'un roman lu et adoré au début des années 70, dans l'autre siècle, ce siècle vingt, que par dérision, nous appelions "siècle vain". C'était au temps de nos 20 ans turbulents.
C'est le titre qui m'avait accroché d'emblée, un titre plutôt long pour un lecteur qui depuis toujours préfère les titres courts. Un titre d'une beauté rare. Un titre comme une promesse. Une promesse qui dépasse la promesse de lecture de ce petit roman perçu comme flamboyant. Un titre comme une promesse de vie.
Incipit superbe : "Maintenant que j'ai abandonné la licence de philosophie pour écrire des histoires pour les enfants, j'ai le sentiment que cela seul a de l'importance". En un instant, cette phrase a illuminé ma vie entière. Une vie qu'il allait me falloir écrire. Sans jamais oublier cette promesse d'écriture. Même si, en chemin, je n'ai pas abandonné la licence de philosophie et je n'ai pas écrit d'histoires pour les enfants.
Un demi-siècle plus tard, hasard d'une existence humaine qui s'en va vers sa fin, clin d'oeil du destin, miracle d'un quotidien sans surprise, la jeune fille qui ressemblait à un cygne un jour me fait signe. Sans le vouloir ou sans le savoir. Sans en avoir conscience. Une légéreté soudaine, une grâce, une élégance, une présence, aérienne sans être hautaine, en quelques pas comme des pas de danse, elle sublime l'espace.
Beauté rare de l'instant donné qui aurait pu s'enfuir à tout jamais au pays des jamais plus, s'il n'y avait eu l'oeil photographe et la magie de la photographie. L'image, le plus beau langage.
© Jean-Louis Crimon