Emmanuel Macron au collège Louise Michel de Ganges, dans l’Hérault. 20 Avril 2023.© AFP/Daniel Cole..
"Les oeufs et les casseroles, c'est pour faire la cuisine, chez moi !" Quel talent ! La petite touche qui fait mouche. Avec toujours ce petit rien d'ironie méprisante. Un jour, c'est sûr, un psychanaliste de renom analysera toutes tes sorties qui disent davantage sur toi que tous tes beaux et grands discours. Je me demande d'ailleurs d'où tu tiens ça. Pas de Paul Ricoeur qui serait scandalisé de voir comment tu te comportes depuis que tu es président de la République française. Dans le centre-ville de Ganges, il y a cinq ou six jours, place de l'hôtel de ville, le petit peuple en colère te lance des oeufs et des pommes de terre. Juste avant, un arrêté préfectoral a interdit, humour involontaire, "l'usage de dispositifs sonores portatifs". Pas de mention spécifique pour les casseroles, mais des gendarmes zélés ouvrent les sacs et les confisquent.
Plus tard, phrase à nouveau : "Les casseroles ne feront pas avancer la France." Sans aucun doute, Manu. Mais comprends que ça commence à bouillir. La France est en effervescence. De ta part, de la part du président de la République, de la part de "son" président, la France est en droit d'attendre une autre atttitude, une autre écoute. Cesse d'hésiter entre le Surgé sévère et le pion sympa qui, veste tombée, manches de sa chemise blanche retroussées, assis au milieu des élèves, essaie de ramener les plus turbulents à la raison. Nous ne sommes pas tes élèves, tu ne seras jamais notre professeur. Tu es le président et nous sommes des citoyens. A égalité de droits et de devoirs. Même si momentanément, tu exerces la fonction suprême. Respecte-nous si tu veux être respecté. Tu as du chemin à faire. Toutes tes sorties, ça commence à bien faire. Pour mémoire "illettrées", "gens qui ne sont rien". Des ouvrières de Gad aux gens qu'on croise dans les gares, en passant par les "pauvres qui prennent l'autocar" sans oublier les "fainéants, les cyniques et les sectaires", ou, perle des perles, "envie d'emmerder les non-vaccinés", comprends que ça agace. A chaque fois, tu attises, comme si tu prenais un malin plaisir à jouer "ch'metteu d'fu". Elle a des limites, notre patience.
Quand tu parles de nous de cette façon, n'oublie jamais que c'est surtout de toi que tu parles. L'insulte se retourne toujours sur celui qui la profère. A Amiens, que tu connais bien, tu sais, on dit toujours "Ch'est ch'ti qui l'dit, qui l'est ! " C'est celui qui le dit qui l'est. Donc, Manu, je te retourne tous tes compliments. Franchement, si tu veux qu'on te garde, malgré tout, quelque estime, change de comportement.
© Jean-Louis Crimon