Emmanuel Macron face aux membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie. © Aurélien Morissard/AFP.
Mais la voilà, la solution, mon cher Manu, la "Convention citoyenne" ! Tu as reçu les 184 membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Pour recueillir leur avis. C'est la bonne méthode. On réunit les gens. On les motive et on les fait réfléchir ensemble à la meilleure solution pour le problème posé. On leur demande de formuler des propositions. Enfin, une fois cette réflexion collective menée à bien, on les reçoit, on les écoute et on s'engage à décider le meilleur pour tous dans le respect des convictions de chacun. Quel bel exercice de démocratie vivante. Dommage que ce soit pour la fin de vie. Un exercice de démocratie vivante pour décider de sa mort, le paradoxe est criant, sinon cruel. C'est tout au long de notre vie humaine qu'il nous faut des "Conventions citoyennes", sur tout les sujets essentiels et dans tous les domaines. A ce moment-là, la République devient authentiquement démocratique. La démocratie, du grec "dêmos" et "krâtos". Démos, le peuple, et krâtos, le pouvoir. Le pouvoir au peuple. Par le peuple et pour le peuple.
Dans ton discours aux 184, dont ma radio préférée a diffusé à midi de bons extraits, tu as insisté sur la nécessité de "mener une oeuvre de co-construction en lien avec toutes les parties prenantes, co-construction respectueuse des épaisseurs des vies." Joliment dit, mon cher Manu, comme à chaque fois, mais pourquoi ne pas avoir proposé cette méthode pour réfléchir à la meilleure réforme des retraites possible ?
Sans vouloir te faire offense, tout est dit dans la définition de la co-construction : "des acteurs ayant des intérêts différents vont élaborer ensemble un projet partagé." Je n'ose écrire "un programme commun" à cause des connotations qui ne manqueraient pas d'être surlignées. Je veux me situer en dehors de tout parti pris idéologique et j'espère que tu en feras autant. Dans la "Convention citoyenne sur la réforme des retraites", les syndicats, le Medef, des élus, des maires, des députés, des sénateurs, des petits et des grands patrons, sans oublier quelques dizaines de simples citoyens, reçoivent pour mission l'obligation d'élaborer des propositions pour écrire la loi. Toutes les oppositions et les contradictions se font à cet échelon. De cette façon, le texte final, produit en commun, ne pourra plus recueillir que l'assentiment général. Puisqu'élaboré par des représentants du plus grand nombre et surtout des représentants du pays réel. Dans la plus grande concertation possible. La construction de la loi n'en sera que plus facile.
Pour le reste, sens-toi libre. Oublie un temps les trois mille milliards de la dette de la France, dont tu es co-emprunteur, n'oublie pas, -je plaisante-, oublie la pression des marchés, leurs exigences, les taux d'intérêts qui risquent de n'être plus les mêmes, oublie ce qu'on dit ici ou là, que les prêteurs, côté taux, vont traiter la France beaucoup moins bien que l'Italie ou que l'Allemagne.
Pour clore cette lettre, je te donne à relire l'article 3 de notre Constitution actuelle, la Constitution du 4 octobre 1958 : "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice". Moralité, si le peuple s'estime bafoué, trahi, trompé par ses représentants, la voie du référendum devient le recours, sinon la solution. La Constitution l'a prévu. La loi le prévoit. Aucune hésitation. Révolution, c'était le titre de ton livre-programme, en 2016. Révolution, c'est ce à quoi tu dois te préparer. La Révolution que tu n'as pas su faire, le peuple s'en empare, et lui, la fera, c'est sûr. Pacifiquement, je te rassure. Par la voie référendaire. A chaque fois que ce sera nécessaire. Toi, le président, tu cesseras de te croire Jupiter, tu resteras dans ton Palais, tu présideras, mais tu n'auras pas plus de pouvoir que le président de la République italienne, la Reine du Danemark ou le Roi d'Angleterre. Présider, il va falloir t'y faire, c'est surtout apprendre à se taire.
© Jean-Louis Crimon