Qu'est-ce que j'apprends, Manu, un de tes employés, agent du service argenterie du palais présidentiel, s'est jeté sur les rails du RER. La raison : pour le remercier de ses 23 années de bons et loyaux services, il a été congédié. L'homme, âgé d'une cinquantaine d'années, n'aurait pas supporté de se voir notifier sa "remise à disposition de son corps d'origine, le Ministère de la Culture, avec pour conséquence immédiate, la perte de son logement de fonction quai Branly."
Selon l'unique syndicaliste de l'Elysée, joint par l'hebdomadaire Marianne, il règne ces temps-ci au Château une ambiance de travail exécrable. Ils virent les "vieux" en les remettant brutalement à disposition de leur corps d'origine.
L'homme faisait partie de ces petites mains silencieuses que les convives prestigeux n'aperçoivent jamais et selon Patrick Pradié, cité par Marianne, il ne fait aucun doute que la tentative de suicide de son ancien collègue, qui portait son badge de la présidence autour du cou au moment de son geste funeste, soit en lien direct avec la perte de son emploi.
23 années d'une vie à prendre soin des couverts en vermeil, des assiettes en porcelaine de Sèvres et des verres en cristal Bacarrat pour être traité comme ça.
Selon le service de presse de l'Elysée, une aide psychologique a été proposée aux employés de l'intendance. Emmanuel et Brigitte Macron ont réuni l'ensemble du personnel pour témoigner de leur soutien. L'homme qui voulait mettre fin à ses jours se trouve toujours à l'hôpital dans un état grave.
Avoue, mon cher Manu, que cette tragique histoire tombe vraiment mal, même si on ne peut pas penser que tu sois directement responsable de ce drame. Tu devrais peut-être quand même y voir comme un signe. Un avertissement. La valeur travail, tu sais, dont vous vous gargarisez tous, ces temps-ci, au Palais ou au gouvernement, ne doit jamais prendre le pas sur la valeur humaine. Décidément, nous n'avons pas les mêmes valeurs. Un conseil, méfie-toi des Valeurs actuelles et pense un peu plus souvent à ta grand-mère institutrice et à ton grand-père cheminot. Ton monde n'en serait que plus beau.
© Jean-Louis Crimon