J’aurais tant aimé, mon grand-père inconnu,
que tu me racontes ton premier jour de travail à la mine
que tu me dises quel âge tu as quand ça commence
la fin de l'enfance
même pas dix ans
Comment on t’explique ce qu’il faut faire
Comment tu comprends que c’est ton destin puisque tu es l’aîné
Comment le soir du premier jour
se passe ton retour
dans votre masure de la rue près de l’église.
Ce que te dit ton père, Antioco, pour t’encourager.
A quoi tu penses avant de t’endormir.
Quelles images te reviennent dans les yeux
les paupières à peine fermées
La tâche des enfants, c’est d’aider les femmes dans leur travail
Les femmes cassent les pierres à coup de marteau et à mains nues
pour en extraire les minerais,
zinc ou plomb,
avant de les mettre dans des sacs
Toi, tu leur prépares les pierres ou parfois
tu préfères porter les lampes des mineurs
avec ce morceau de bois
au-dessus des épaules pour en porter plusieurs à la fois
Ce travail à la mine, ça doit te changer du temps où tu jouais dans la montagne
en courant derrière les chèvres
Ton père, Antioco, aurait bien aimé que tu sois chevrier, comme lui,
et même sabotier,
comme lui qui avait un double métier,
mais, bien sûr, le travail à la mine,
ça rapporte davantage d’argent à la maison
J’aurais aimé aussi que tu me dises comment, avec tes yeux d’enfant,
tu ressens cette descente dans les entrailles de la terre,
comment tu comprends les mots des adultes quand ils parlent de lutte et de grève
pour améliorer la vie des mineurs du bassin minier sarde
Oui, vraiment, j’aurais tant aimé que tu me racontes tout ça,
mon grand-père Zanda.
© Jean-Louis Crimon