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28 juillet 2022 4 28 /07 /juillet /2022 08:57
Archives Départementales Meurthe et Moselle. 1932-1940. Piennes. Cote 1520 W 214. © Jean-Louis Crimon

Archives Départementales Meurthe et Moselle. 1932-1940. Piennes. Cote 1520 W 214. © Jean-Louis Crimon

Dernier rebondissement dans cette quête que je rêvais conquête. Tu es mort, mais tu t'enfuis encore. Aucune des communes, toutes contactées une à une, n'a trace, dans son Etat-Civil, d'un acte de décès à ton nom. Comme si toi, grand-père inconnu, tu t'évertuais, là où tu n'es plus, à te rendre plus inconnu encore. Chaque mairie concernée, Mont-Bonvillers, Bouligny, Briey, Piennes, Landres, Murville... fait invariablement la même réponse, par mail, par lettre, parfois par téléphone : Aucune trace dans nos registres d'un acte de décès au nom de votre grand-père. Cherchez ailleurs. Cherchez encore. Vous finirez bien par trouver. 

Pas d'acte de décès. Pas de décès acté. Pas de décès officiel. Pas de décès officialisé. Pas de tombe à ton nom. Pas de cimetière où serait ta tombe. Pas de pierre tombale. Pas de nom gravé dans le marbre. Pas de marbre. Pas de pierre au pied d'un arbre.

Dans les Archives Départementales de Meurthe et Moselle, désormais accessibles sur la planète internet, la lecture des tables de successions et absences - incroyable intitulé - révèle entre les lignes une sinistre réalité : si pas d'actif, si pas d'argent, si pas de famille en France pour payer les frais d'enterrement, pas d'enterrement, pas de cimetière, pas de tombe. Seul avenir : la fosse commune. Fosse commune pour le grand-père hors du commun. Je n'arrive pas à me résoudre à cette réalité. Si tu n'es mort pour personne, s'il n'y a pas de tombe à ton nom, si tu n'as même pas eu droit à ce petit monticule de terre qu'une femme ou un fils fleurissent de temps en temps, à Pâques ou à la Toussaint, si tu n'es plus rien pour personne, quand tu meurs, la fosse commune devient ton unique et ultime destin. Ta seule fin funeste. Comme ton voisin de trois lignes au-dessus, dans les tables de successions et absences, qui a droit, lui, à ce commentaire aussi cruel que transparent : Sans actif apparent. Sans actif et sans parent. Sans actif et sans famille, sans proches, sans amis, sans camarades pour te construire une dernière demeure, très probable alors que le mort finisse à la fosse commune. Carré de terre pour les sans ressources pour qui personne ne consentira à délier bourse. Sans ressources appelés aussi indigents. Pauvres gens.

 

Pour la ligne qui te concerne, Monsieur Zanda, dans cette page 203 des tables alphabétiques de successions et d'absences, après ton nom, ton prénom, ton métier, ton âge, au-desssus de l'inscription Mont-Bonvillers, on peut lire cette mention manuscrite : " + à Nancy ".

"+ à Nancy", indication faussement sibylline. Classique petite croix, synonyme de "décès" en généalogie. Donc, cette fois, c'est sûr, je suis sûr, j'en suis sûr : Francesco Zanda, tu es mort à Nancy. Mais où es-tu enterré ?

Mourir à 40 ans, à Nancy, quand on est mineur à Joudreville ou à Mont-Bonvillers, ce ne peut être qu'à l'Hôpital où l'on a dû t'admettre, sans doute après un accident à la mine. Oui, tu as été transféré à l'Hôpital de Nancy, et sur le registre est indiqué le nom de la commune où tu es domicilié, Mont-Bonvilliers, qui se chargera d'annoncer ton décès au correspondant local de L'EST RéPUBLICAIN. Annonce de ta mort qui figurera dans le journal du 13 septembre 1936. 

Francesco Zanda, illustre inconnu grand-père, mineur de mine de fer, tu n'es pas en enfer. Crois-moi, croix de bois, croix de fer, je veux te construire un tombeau. Un tombeau de mots. Ce sera le plus beau.

 

© Jean-Louis Crimon

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