Pékin. Vol Air China. 27 Octobre 2013. Laoshi Wu Hongmiao de l'Université de Wuhan.© Jean-Louis Crimon
Parfois, tu voudrais croire à la destinée. Pour l'instant tu salues le hasard. Tu as longtemps hésité à prendre cet avion du soir. Tu as retardé au maximum le moment de l'embarquement. Tu as été le dernier embarqué.
Tu as une place tout au fond de l'avion. Il te faut traverser toute la longueur du fuselage du 777. Deux allées s'offrent à toi. Tu choisis celle de gauche. Par défi. Tu passes les carrés somptueux de la Première et de la classe Affaires. Soudain, il te fait face. Il te lance : qu'est-ce que tu fais là ? Tu lui réponds : j'ai un cadeau pour toi dans mon sac à dos !
Tu lui offres ton roman. Il s'exclame : tu l'as fait, tu l'as écrit ? Il est à la fois sidéré et enjoué. Il se souvient très bien de cette soirée de début décembre 2011, à Kunming où, vin rouge aidant, tu lui avais dessiné ton projet, la façon de raconter son pays et surtout les jeunes Chinois d'aujourd'hui, tes étudiants. Il note ton numéro de siège et te promet de commencer à te lire dans l'avion. J'irai te dire ce que j'en pense vers minuit. Il est 18 heures 30. Décollage imminent. Lecture de Shuang également.
Il a tenu parole. Peu après minuit, il te tape sur l'épaule, rayonnant, presque hilare. Trois mots pour dire son sentiment. C'est très bien. Pudeur typiquement chinoise. Il ajoute : tu sais où je vais ? A Aix en Provence. Pour un colloque consacré à Victor Ségalen. Invité par sa fille. Il poursuit : Page 49 de ton roman, tu parles de Ségalen, c'est un signe. Un bon signe.
On parle ardemment. De sa lecture et de mon écriture. Me promet d'en lire quelques chapitres à ses étudiants. Surtout les passages les moins politiques. Pour tester auprès d'eux ma perception de leur façon d'être et surtout de vouloir vivre.
`© Jean-Louis Crimon