L'Union. 24 Nov. 2002. © Jean-Pierre Prault. Lettre manuscrite. © Serge Laget. L’Équipe.
Incroyable bonheur de relecture ce matin. D'abord, avec l'article paru dans L'Union, en novembre 2002, superbe papier signé Jean-Pierre Prault. C'est si rare d'être si bien saisi et compris. D'autant que l'interview s'est faite au téléphone. En dix minutes à peine. Entre deux trains, je m'en souviens très bien. Dans la foulée, relecture de cette carte postale signée Serge Laget, à l'époque journaliste à L'Equipe Magazine. Serge Laget, premier supporter - le mot s'impose pleinement ici - de Verlaine avant-centre, premier roman. Premier roman pour réunir deux passions : football et poésie. Un récit construit sur la personne et les prouesses de Just Fontaine, le célèbre buteur de l'Equipe de France de 1958. 13 buts en une seule Coupe du Monde. Record absolu. Record jamais battu. 13 chapitres en hommage aux 13 buts. Chaque chapitre prend fin avec les actions de jeu, les dribbles, les passes qui amènent au but de Fontaine. L'avant-centre parfait. En filigrane, en transparence, le poète parfait.
Verlaine s'infiltre dans le récit. Pourquoi Verlaine ? Parce qu'un poète, c'est un avant-centre qui marque des buts avec des mots. Conviction irrésistible du jeune narrateur. Au début du match, les footballeurs se placent en W-M. mais, bien sûr, la position des joueurs évolue au cours de la rencontre et forcément, toutes les lettres de l'alphabet s'écrivent alors sur la pelouse. Avec les lettres, on fait des mots. Avec les mots, on fait des phrases. La magie opère : les joueurs, dans leurs placements, leurs déplacements, leurs dribbles, leurs passes, une-deux ou une-deux-trois quand ils jouent en triangle, écrivent sans le savoir une histoire que seul le narrateur affirme savoir lire. Les phases de jeu sont, sans en avoir l'air, des phrases du livre. Enlevez la lettre " r " au mot "phrase", il devient "phase". Ajoutez la lettre " r " au mot "phase", il devient "phrase". Fabuleux, non ?
Serge Laget avait été fasciné par le titre de mon roman. L'homme adorait autant Verlaine que Fontaine. Autant la poésie que le football. Le lecteur idéal. Même si l'homme plaçait le cyclisme au-dessus de tous les sports.
Relire les mots de Serge, à propos de la parenté Verlaine/Fontaine et surtout du rapport Verlaine/Football, est toujours pour moi quelque chose de vraiment extra-ordinaire. Ce que je ne savais pas, ce que je n'aurais jamais osé imaginer dans mes gamberges les plus folles, c'est que Verlaine, le poète des sanglots longs de l'automne, le poète des Poèmes saturniens, ait pu, vraiment, taper dans un ballon rond. Dans un ballon de football. Serge Laget est formel :
" Mais le plus important, je te confirme bien ma remarque initiale : Verlaine a tapé dans un ballon, joué au football ! ! !
" Cette expérience s'est passée en 1876-1877 quand il était professeur de français et de dessin à Stickney (Lancashire). Il bavarde beaucoup avec M. Andrew, directeur de l'école, le chanoine protestant Coltman et le colonel Grantham... Ce dernier avait deux enfants à qui Verlaine donnait des leçons particulières... Est-ce un des fils Grantham, toujours est-il qu'un de ses élèves offrit au poète à jouer au football...
" C'est absolument sûr. Ton titre est en fait celui d'un visionnaire. Bravo. Je me fais tout petit. Ma vive considération." Signé: SERGE LAGET.
Difficile, après pareil hommage, de rester modeste. Toi, après ça, tu t'es dit : aucun doute, le titre, ce sacré beau titre, ce superbe titre, c'est Verlaine lui-même qui te l'a... soufflé !
© Jean-Louis Crimon