Il faut bien que ça finisse un jour. Tu sais bien que ça ne peut pas durer toujours. Tôt ou tard, les phrases entendues dans l'enfance remontent à la surface. Histoire de te rappeler combien était naïve ta façon de te croire éternel. Invincible. Irrésistible. Invulnérable. Jeune poulain fou, tu t'ébrouais dans la paille neuve de l'étable. Tu n'étais pas le dernier à rejoindre la table. Sur l'herbe tondue bien rase du verger métamorphosé en Parc des princes, tu travailles l'art du dribble. Tu te rêves Spartacus, histoire de t'arracher à un destin tout traçé. Tu sauras te révolter contre la voie prévue pour toi. Un temps, tu t'es cru Verlaine, mais tes sanglots ne furent pas bien longs. Tu t'es voulu Fontaine pour battre le record des buts marqués en une seule Coupe du Monde. Tes exploits n'ont pas dépassé les frontières du département. Tu ne seras jamais Ballon d'Or.
Tu voudrais que ça dure encore. Que le match soit sans fin. Que tous les morts que tu as tant aimés redeviennent vivants. Même simplement pour le temps d'un match.
© Jean-Louis Crimon