Amiens. Le Courrier Picard. 25 Août 1980. Page 8. © Jean-Louis Crimon
En short, avec ses bottes coupées qui lui font une originale et pratique paire de sabots, Daniel Pépin joue déjà du croc et du rateau. Faut dire que la terre, il sait la travailer et la travaille avec amour depuis toujours.
Mouleur sur presse, depuis une douzaine d'années dans la même usine, casiers à bouteilles, assiettes, bassines, il démoule ainsi au rythme des 3 x 8 tous ces objets en plastique qui peuplent notre quotidien. Un travail où la répétition mécanique des mêmes gestes laisse à l'homme très peu de liberté et d'imagination. Dans son jardin, justement, l'homme se retrouve, se recrée un peu. Daniel Pépin explique simplement :
"La nuit, je travaille. Le matin, je dors un peu, et l'après-midi, je viens au jardin." Son mois de congés payés, comme beaucoup de ses camarades ouvriers, Daniel Pépin l'a passé à jardiner : "Vous savez, les vacances, quand on est ouvrier... dit-il, sans agressivité mais avec un petit sourire en coin qui en dit long. Alors, il poursuit : "En principe, chez l'ouvrier, tout le monde jardine. Avec les salaires qu'on a, si on était obligé d'acheter un bouquet de persil, une salade ou quelques échalotes, où irions-nous ?" Quelle meilleure définition donner de ces jardins ouvriers qui entourent la ville, et qui sont aussi, après les heures obligatoires du travail salarié, le lieu où l'ouvrier retrouve un peu de sa dignité, et en jardinant, une manière de goûter un certain "temps de vivre".
© Jean-Louis Crimon