Amiens. Le Courrier Picard. 22 Mai 1980. Page 42. © Jean-Louis Crimon
"A la prochaine fois" ! Beaux yeux clairs pleins de larmes sombres, René Lévesque vient d'acter la défaite. Une défaite incontestable. Le beau projet de "Souveraineté association" , un Québec souverain mais associé au Canada, n'a recueilli qu'un peu plus de 40 % des voix. Moralité : six Québécois sur dix ont dit "Non" à la séparation d'avec le reste du Canada.
Alberta, Colombie-Britannique, Île-du-Prince-Edouard, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Ecosse, Ontario, Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador, les neuf autres provinces ne seront pas séparées du Québec. Pas cette fois. Peut-être la prochaine fois. René Lévesque ne cache ni sa déception ni l'espoir qu'un jour, sans doute, ça se fera.
Dans la rue, plusieurs centaines de Québécois, d'abord, des milliers très vite, se rassemblent pour une marche symbolique vers Montréal-Ouest, la partie anglophone et anglophile de la ville. Tenir éveillés les Anglais, c'est notre but ce soir, disent les manifestants. Un des jeunes Québécois en colère, m'explique avec ce bel accent français d'Amérique du Nord : "L'indépendance, on ne la demande pas, on est censé la prendre, c'est ce que l'Histoire des Peuples nous enseigne."
Mon papier, dicté comme mon avant-papier, par téléphone, occupera la moitié de la page du journal. L'analyse de Pierre Rouanet chapeaute l'ensemble. En une phrase, tout est - presque - dit : L'échec relatif des indépendantistes de M. Lévesque n'efface pas le rejet unanime du statu quo.
© Jean-Louis Crimon