Lettres de Chine. Victor Segalen. 10/18. 1993. Stèles. Victor Segalen. Librairie Plon et Club du meilleur livre. 1955. © Jean-Louis Crimon
Lire ou relire Lettres de Chine, c'est prendre le large, avec ou sans marge. Ces lettres de Segalen à sa femme, Yvonne Segalen, Mavone aimée, Mavone bienaimée, Mavone chérie, sont d'une beauté rare. D'avril 1909 à février 1910, elles sont la ponctuation intime d'un journal de voyage qui est aussi et surtout voyage intérieur. Un jeune Européen en quête de l'ancien monde chinois se trouve lui-même au cours du parcours. Victor Segalen, dans une lettre à Claude Debussy, datée du 6 janvier 1911, s'exclamera : " ... au fond, ce n'est ni l'Europe, ni la Chine que je suis venu chercher ici, mais une vision de la Chine. Celle-là, je la tiens et j'y mords à pleines dents."
Comme dans "Stèles", Stèles face au nord :
" Mon amante a les vertus de l'eau : un sourire clair, des gestes coulants,
une voix pure et chantant goutte à goutte.
Et quand parfois, malgré moi — du feu passe dans mon regard,
elle sait comment on l'attise en frémissant : eau jetée sur les charbons rouges."
(Page 87, Librairie Plon, 1955.)
ou encore, "Stèles", Trahison fidèle :
" Tu as écrit : "Me voici fidèle à l'écho de ta voix, taciturne, inexprimé."
Je sais ton âme tendue juste au gré des soies chantantes de mon luth :
C'est pour toi seule que je joue."
(Page 73, Librairie Plon,1955.)
Victor Segalen, (1878-1919), brève existence humaine, d'abord admiré d'un petit nombre de lettrés, mais trace indélébile dans le coeur des humains qui l'ont lu ou qui le liront.
© Jean-Louis Crimon