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4 juin 2021 5 04 /06 /juin /2021 12:27
Rubempré. Casilda Vilbert. 16 Mars 1980. © Miguel Benadès / PMHP.

Rubempré. Casilda Vilbert. 16 Mars 1980. © Miguel Benadès / PMHP.

Casilda. Le prénom déjà vous embarque. Prénom comme une chanson d'Espagne. En fait, Casilda viendrait du latin casella qui signifie maisonnette. C'est dans sa maisonnette que Casilda m'accueille ce dimanche matin de la mi-mars. Casilda et moi, on se connait depuis plus d'un an. Depuis nos premiers enregistrements pour la radio, Radio France Picardie. Casilda est un personnage. Une femme originale. Qui n'hésite pas à aller à la ville en auto-stop. A près de 87 ans. Qui le dit avec des mots bien à elle, des mots picards, pour elle, une langue naturelle, une langue vivante, non pas un patois moribond. Faire de l'auto-stop, en picard, Casilda dit ça comme ça : " J'm'in vo à l'sortie d'ech villache, pis j'foais l'pouce !" Faire le pouce, lever le pouce, faire signe. Les gens s'arrêtent. Casilda monte dans la voiture. L'aventure commence.

Casilda raconte : L'auto-stop, j'en foais tout le timps, je n'ai coère foait hier. J'avoais envie d'aller à Amiens. J'vais donc jusqu'au bout du villache, l'dernière moéson à droète, celle d'ech' notaire. Pis j'voés éne bielle voéture qui s'amène, avec éne dame tout' seule au volant. J'foais l'pouce, l'dame all' s'arrête, all' dit : où ch'est equ'vos allez, madame ? ej' dis : "à Pierregot" ! Pis, ej'monte dins s'voéture, et pis ej'd'vise avec l'femme. Gintimint. All' étoait bien gentille, l'femme-lo, pis all' causait bien. Elle m'a plu tout de suite. O causons, o causons... Pis elle me red'minde : allez-vous à Pierregot ou ailleurs. J'li dis : marchez, j'e m'rinvos qu'au soèr, j'ai l'timps, j'déchindrai plus loin, j'descendrai à Rainneville. Ch'étoait por êt' plus longtimps avec elle dins l'voéture. Pour causer davantage."

Elle est comme ça, Casilda. Ce qu'elle aime, c'est parler avec les gens. A tout jamais, elle est l'une des plus belles rencontres des mes débuts de journaliste. Je me souviens du chapeau, de l'accroche rédigée pour la Une du Courrier Picard, à l'occasion de la publication de son interview : "Ils n'écrivent pas, ils parlent, et s'ils écrivent parfois, c'est quand l'heure de la retraite a sonné et que leurs mains, enfin libres des outils, prennent le temps de dessiner des mots et des idées, pour dire cette terre picarde. Ils nous donnent alors avec des "mots-paroles", des "mots-images", non pas de la littérature, mais de la "vie livrée", liant à la perfection le vivre et le livre. Ils sont des livres vivants."

 

Je ne dirai pas mieux aujourd'hui. L'inconvénient, c'est que cette histoire, je l'ai écrite il y a... 42 ans. J'avais 30 ans. J'en aurai bientôt 72. L'âge de commencer à mettre mes pas dans les pas de Casilda.

 

© Jean-Louis Crimon

 

Articles disponibles aux archives de la Bibliothèque Louis Aragon, rue de la République, à Amiens. 

Courrier Picard. 11/12 Août 1979. (En Une et page 3.)

Courrier Picard. 13 Août 1979. (Page 3.) 

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