Quai d'hiver, quai désert, c'est la vie à l'envers. Sous un ciel hagard, le quai prend des airs de quai de gare. Sur la rambarde s'attarde le convoi du soir. Petit train de wagons verts. A l'arrêt ou au départ. Wagons de marchandises. Quoique tu en penses, quoique tu en dises, des centaines et des centaines de livres qu'il faut que tu relises.
C'est la saison morte. Faut prendre ce que la vie apporte. Enfilade de cercueils sous la haie d'honneur d'arbres sans feuilles. Quai désert, quai d'hiver, les plus chanceux vont se mettre au vert.
Le passant se fait rare. Promeneur d'hiver a le coeur solitaire. Pas un mot, à peine un regard. Juste un coup d'oeil au ciel, pour y lire l'heure de la pluie.
Quai désert, quai d'hiver. Petit train de wagons verts, tous fermés, ou presque. Sont rares ceux qui sont ouverts. Pour l'hiver, en partance. Saison des remembrances. Dans la saison froide, on s'embarque.
Plus loin, là-bas, tout au loin, à hauteur de La Tour d'Argent, à trois pas de Sainte-Geneviève, le grand Bernard, héroïque ou stoïque, garde le quai... Il veille...
Sentinelle éternelle... Guetteur inlassable... Vigie véritable... Gardien du phare du bout du quai.
Quai d'hiver, quai désert... c'est la vie à l'envers.
© Jean-Louis Crimon
Première parution : 10 Janvier 2013.