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14 décembre 2020 1 14 /12 /décembre /2020 08:57
L'Offrande du Coeur. Tapisserie d'Arras. 1400-1410. © DR
L'Offrande du Coeur. Tapisserie d'Arras. 1400-1410. © DR

L'Offrande du Coeur. Tapisserie d'Arras. 1400-1410. © DR

L’enfant est en classe de quatrième. Cette année-là, il décide qu’il aura trois poètes préférés : Villon, Ronsard, Verlaine. Chaque soir, dans la grande salle d’études des internes, après avoir rapidement rempli ses obligations de travaux scolaires parfaitement inintéressants, en silence, même si ça chante dans sa tête, il compose, il écrit, il crie. Sa révolte et son amour. Son nom de plume, il se l’est inventé avec trois syllabes de ses trois poètes préférés : VIRONLAINE. 

Trouvère, c’est le métier que l’enfant aimerait faire. Il le dit à son professeur principal, à la réunion d‘orientation. « Moi, plus tard, j’aimerais être Trouvère ». Problème, dans le dossier de documentation, cette profession-là n’est pas mentionnée. L’enfant demande comment faire. Le professeur principal ne peut retenir un superbe éclat de rire. Puis, reprenant son sérieux, il s'exclame : « Cherchez pas, Trouvère, vous ne trouverez pas ! ça n’existe pas, ça n’existe plus. On n’en a pas besoin dans la société d’aujourd’hui ! »

L’enfant est déçu. Il se dit que ce n’est pas bien de décevoir un élève qui veut être Trouvère. 

Il maintient son choix. En silence, dans sa tête. Pour lui seul. Il redouble. D’efforts. Dans l’étude solitaire de la maîtrise de l’art des rythmes et des rimes. 

Le titre de son premier poème, ce sera « Ma Dame », tout simplement. Mais en deux mots. A la manière d’un Chevalier parti pour la Croisade.

 

                  Ma Dame

 

       Souvent la nuit je m’éveille

       Cherchant en vain le sommeil

       Je pense. Je pense à vous Ma Dame

       Je vous devine près de la flamme

       Dans votre château vous chauffant

       Tandis qu’au dehors souffle le vent. 

 

Il y a deux autres strophes, une où l’enfant fait rimer songe avec mensonge, et la dernière, la plus belle, celle où il dit « En vain, mon coeur vous appelle », mais l’enfant ne les retrouve plus. Deux strophes perdues. D’un trouvère inconnu.

 

© Jean-Louis Crimon

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