La Pie possède, - plutôt rare chez la plupart des oiseaux -, un odorat très développé. Elle a l'habitude de stocker ses aliments dans les arbres, les buissons, mais aussi dans des trous peu profonds creusés à même le sol. La Pie va retrouver ses "caches" grâce à sa "mémoire épisodique", une mémoire particulière qui lui permet de se souvenir des évènements vécus avec leur contexte. La pie a aussi "conscience" du caractère périssable des aliments cachés et tout autant du côté aléatoire de leur localisation. Autre problème : les Pies s'observent mutuellement, - les pies s'épient ! - et donc pour éviter de se faire dérober leur pitance, multiplient les fausses cachettes, les fausses pistes. En plus de sa "mémoire épisodique", la Pie dispose d'une "notion de l'avenir", et se révèle capable de planifier le moment de la récupération de la nourriture cachée.
Les éthologues en déduisent que la Pie possède une véritable notion de "permanence de l'objet". Elle a en effet pleine conscience de l'existence d'objets et surtout parfaite conscience que les objets continuent d'exister, même si elle ne les voit pas ou ne les respire pas. La Pie, plus forte que l'Êvèque Berkeley et son idéalisme qui a sidéré des générations d'étudiants en Philosophie. George Berkeley affirmait dans ses Principes de la connaissance humaine que les perceptions issues des sens - ce que l'homme goûte, ce qu'il sent, ce qu'il touche, - ont, en fait, leur siège dans l'esprit et sont indépendantes du dehors. Pour Berkeley, "Être, c'est être perçu". Autrement dit, ce qui n'est pas perçu n'existe pas.
Manifestement, la Pie impie ne partage pas cet idéalisme ecclésiastique radical. Pour la Pie, Être, c'est être caché.
© Jean-Louis Crimon