Amiens. Gilles de Robien. Atout coeur. Nov. 1988. © Jean-Louis Crimon
Chapitre "Pour tout vous dire", page 53 :
" Nous ne sommes pas du même bord, c'est vrai. Lui se définit comme un homme de droite. Je passe pour être de gauche. Son métier : la politique. Le mien : journaliste. Son domaine : le registre des convictions. Convaincre est sa raison d'être. L'affirmation, sa manière de procéder. Ma profession m'incite plutôt à être critique, sceptique. Au credo, de droite comme de gauche, je préfère le doute. Les certitudes, en politique surtout, m'intriguent. Les convaincus m'inquiètent. Leur vérité fait peur. Partisan n'est pas mon idéal. Plutôt témoin. Observateur. Pertinent ou impertinent. Au choix.
Lui et moi, on se connait depuis bientôt dix ans, et dans l'exercice, ou le jeu, de nos métiers respectifs, nous nous sommes, actualité aidant, rencontrés souvent, et selon les évènements, les sujets, les problèmes, opposés parfois.
Cela dit, nous avons - paradoxe -, au-delà de nos différences ou de nos divergences, une certaine et réelle estime l'un pour l'autre. En juillet dernier, député récemment réélu, Gilles de Robien a tenu à me rencontrer. Pour un travail. Méfiance. Je n'ai jamais eu de prédilection particulière pour jouer les mercenaires. Gilles de Robien me demande de l'aider, non pas à clarifier sa pensée, ses idées, non pas à mettre en forme son projet, son programme ou sa stratégie, - ce n'est pas mon problème -, mais plus simplement d'accepter d'être le témoin d'une évolution, d'un changement. D'un nouvel état d'esprit. D'assister en fait à la naissance de quelque chose. La transformation d'une attirance réciproque entre un homme et une ville. Être le témoin d'une promesse entre un homme politique et une municipalité à conquérir. Le témoin d'une passion entre Gilles de Robien et Amiens. Une histoire d'amour entre un sourire et une ville qui donne trop souvent l'impression de faire grise mine.
Pour toutes les raisons qui auraient pu me conduire à dire non, j'ai dit oui. J'ai accepté le contrat. A une seule condition, une seule : je suis et je reste journaliste. Libre de mes questions comme de mes écrits. "
© Jean-Louis Crimon