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3 septembre 2019 2 03 /09 /septembre /2019 07:15
L'Hortillon des mots. Les Soleils Bleus Editions. Sept. 2019. © Jean-Louis Crimon
L'Hortillon des mots. Les Soleils Bleus Editions. Sept. 2019. © Jean-Louis Crimon

L'Hortillon des mots. Les Soleils Bleus Editions. Sept. 2019. © Jean-Louis Crimon

Chapitre 3

 

D’abord ce fragment… pour une entrée en douceur dans l’univers des hortillonnages. Beau souvenir d’enfance. Bel instant sépia de la mémoire. Flash-back et flash-barque tout à la fois :

 

« J’ai huit ans. La barque de mon grand-père glisse le long des hortillonnages. Les rames qu’il manie habilement la font avancer à coups de soubresauts réguliers. Assise à l’avant, je contemple l’étendue devant moi. La surface est recouverte d’une pellicule de lentilles d’eau d’un vert presque phosphorescent. Les branches des saules pleureurs frôlent mes épaules et s’agrippent à mes cheveux. Alors que nous approchons d’un rieu, il me semble que ses deux rives s’écartent pour nous frayer un passage. J’ai l’impression d’être Alice au Pays des Merveilles ».

Pages 66 et 67 d’un livre étrangement beau. Un livre comme un roman, mais un roman fait de fragments, d’instants, de petits riens, de séquences présence/absence, pas seulement de souvenirs d’enfance.
Lisa Balavoine, née en 1974, est une romancière particulière qui publie, chez Lattès, en janvier 2018, Éparse, un livre inattendu, surprenant, dans sa forme et dans son style. Un très beau texte construit sur une accumulation de fragments faussement dérisoires et souvent malicieux. 
Quadra, divorcée, trois enfants, mère imparfaite revendiquée, éparpillée assumée, la narratrice fait de sa vie un récit volontairement « épars » dans lequel beaucoup se reconnaissent. Au beau milieu de cette multitude d’instants saisis comme des photographies, fixés comme des brèves, captés comme des sons, fredonnés comme le refrain d’une chanson. Instants de mots, instants de phrases déjà musique. Le plaisir de la relecture de ce flash-barque silencieux :

 

« J’ai huit ans. La barque de mon grand-père glisse le long des hortillonnages. Les rames qu’il manie habilement la font avancer à coups de soubresauts réguliers. Assise à l’avant, je contemple l’étendue devant moi. La surface est recouverte d’une pellicule de lentilles d’eau d’un vert presque phosphorescent. Les branches des saules pleureurs frôlent mes épaules et s’agrippent à mes cheveux. Alors que nous approchons d’un rieu, il me semble que ses deux rives s’écartent pour nous frayer un passage. J’ai l’impression d’être Alice au Pays des Merveilles ».


Les héritages, la transmission, l’amour impossible, toujours à fuir, toujours à conquérir, la beauté cruelle de l’instant sublime qui ne reviendra jamais, sont autant de notes sur lesquelles pianote la main alerte de Lisa Balavoine. Mémoire sépia, mémoire s’épia. Certitudes en formes de doute, rires sous-cape et fous-rires sonores, joies intenses et peines d’enfance, fugaces et durables, faux sentiments, vraies sensations, pleurs et pluie, tous ces fragments rassemblés par Lisa/Lison sont exactement les nôtres quand nous la lisons. Belle écriture quadri de la quadra quand la mélancolie se glisse sous les draps. 

 

 

© Jean-Louis Crimon / Les Soleils Bleus Editions. Sept. 2019.

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