Amiens. Lettre à mes parents du 25 Juin 1961. © Jean-Louis Crimon
Relire en ce Jeudi 25 Avril 2019 cette lettre du 25 Juin 1961, ma dernière lettre de petit séminariste, ma dernière lettre écrite à mes parents du Petit séminaire dont je me trouvais exclu, renvoyé, réorienté vers l'Ecole primaire de mon village, a quelque chose d'émouvant et d'impressionnant à la fois. Fois avec un "s". Sans "s", le mot "fois" devient le mot "foi", et la foi, manifestement, le petit mécréant que je passais pour être, ne l'avait pas.
Certes, je n'avais pas dû être le meilleur des élèves des deux sixièmes de cette année scolaire 1960-61, mais je ne savais pas que ma réponse "Non" à la question du Père Supérieur, l'Abbé Dentin, "Pensez-vous avoir la vocation ?" avait pu m'être fatale. Je ne savais pas non plus qu'à l'issue de la batterie de tests en tout genre, la Psychologue détachée au Petit séminaire pour étalonner nos intelligences débutantes, avait écrit : Débile léger.
Ce jugement péremptoire, je ne devais en avoir connaissance que 30 ou 40 ans plus tard. Par le plus grand des hasards, un étudiante psycho philo socio des années 70, elle-même psychologue professionnelle devenue, eut à classer, dans un stage au Rectorat, des dossiers d'élèves de sixième des années 60. Classement par le vide. Elle tomba sur mon dossier. Le parcouru. S'arrêta net sur le jugement et détruisit sans scrupule le document. Un jour, me racontant l'histoire, elle m'avoua : Compte-tenu de ton métier et de ta petite notoriété, j'ai pensé que tu en ferai un scandale ! Valait mieux nous éviter ça !
Un scandale, non sans doute pas. Mais un début de roman, oui, certainement. J'ai la vengeance poétique. Le talent pour ça aussi, merci mon Dieu. Si je ne crois pas en toi, au moins, toi, j'en suis convaincu, tu crois en moi. Tu y as toujours cru. Depuis le début.
© Jean-Louis Crimon