Prix Edouard David. Maison de la Culture d'Amiens. Le Courrier Picard. Nov. 1976.
Avant de mettre un point provisoirement provisoire à cette Balade poétique et littéraire commencée le 1er Janvier dernier, je voudrai vous faire part d'une idée qui m'est venue en travaillant sur ce sujet. Une simple idée. Une idée simple. Je la formule ici sous la forme d'une simple question :
Pourquoi ne pas créer un Prix littéraire que l'on pourrait appeler Le Prix des Hortillonnages ou le Prix des Hortillons ?
Ce Prix littéraire récompenserait, chaque année, en mai ou en juin, une oeuvre qui aurait pour cadre le domaine des Hortillonnages et pour pistes d'écriture le travail des Hortillons. Ce prix pourrait se décliner en trois catégories, poésie, nouvelle et roman. Un prix qui, bien sûr, pourrait se mettre en place avec le soutien et la participation de l'Education Nationale et des professeurs de français et d'arts plastiques. Pour les illustrations.
Avant de refermer cette série sur les Hortillonnages dans la littérature, je veux vous offrir ce poème en picard écrit au début des années 70 et mis en musique par Marc Monsigny. Poème pour lequel j'avais reçu - mais oui - le Prix Edouard David. Preuve que tout se tient. Que la boucle est bouclée. Que Tchot Doère n'est pas oublié.
© Jean-Louis Crimon
Min Poéyis
Avu d'el pleuve qu'all' n'in finit point ed'tcherre,
Et pis eine vielle ramonchlée à ch'coin d'sin fu
Qui conte pis qui raconte s'n'histoère,
Avu des mots qu'o n'coprind mi pus...
Avu s'plaine qui s'in vo moérir à l'mer
Et pis l'mer qui fouait l'anmour avu l'terre
Avu chés dunes qui coéff'tent leu cavelure,
Avu chés vints pis d'el froédure...
Pis minme qu'ej' s'ro tout seu à l'canter,
Pis qu'y n'érot pu granmint pour m'acouter,
J'el cantro, j'el cantro quind minme,
J'el cantro, j'el cantro mi-minme.
Avu s'n'hiver parfoés si doux qu'il o d'z'airs d'été,
Pis s'n'été qui peut braire comme in automne,
Avu chés vints qu'à s'mode, y nous assaisonne,
Pis chés canchons qu'o n'ose mis pus t'canter...
Avu chés honmes, avu chés femmes,
Qu'o dit quéqu' foés un mollé frouéd,
Mais qu'ont quéqu' kose dins ch'fond d'leur âme,
Quind o prind ch'timps de z'acouter...
Pis minme qu'ej' s'ro tout seu à l'canter,
Pis qu'y n'érot pu granmint pour m'acouter,
J'el cantro, j'el cantro quind minme,
J'el cantro, j'el cantro mi-minme.
© Jean-Louis Crimon
Mon Pays (Version Française)
Avec de la pluie qui n'en finit pas de tomber,
Et puis une vieille recroquevillée au coin de son feu,
Qui conte et qui raconte son histoire,
Avec des mots qu'on ne comprend même plus...
Avec sa plaine qui s'en va mourir à la mer,
Et puis la mer qui fait l'amour avec la terre,
Avec ses dunes qui coiffent leur chevelure,
Avec du vent et puis de la froidure...
Puis même que je serais tout seul à le chanter;
Qu'il n'y en aurait plus beaucoup pour m'écouter,
Je le chanterai, je le chanterai quand même,
Je le chanterai, je le chanterai moi-même...
Avec son hiver parfois si doux qu'il a des airs d'été,
Puis son été qui peut pleurer comme un automne,
Avec ses vents qu'à sa façon il nous assaisonne,
Puis ces chansons qu'on n'ose même plus lui chanter...
Avec ces hommes, avec ces femmes,
Qu'on dit parfois un petit peu froids,
Mais qui ont quelque chose au fond de leur âme,
Quand on prend le temps de les écouter...
Puis même que je serais tout seul à le chanter;
Qu'il n'y en aurait plus beaucoup pour m'écouter,
Je le chanterai, je le chanterai quand même,
Je le chanterai, je le chanterai moi-même...
© Jean-Louis Crimon
Min Poéyis. Jean-Louis Crimon. © Le Courrier Picard. Nov. 1976.
FIN