Hortillon dans sa Barque. Hortillonne sur l'aire. Le Petit Journal agricole. 1er Sept. 1912. N° 870.
"Une des curiosités d'Amiens est son marché sur l'eau, et le visiteur qui s'en va ,sans l'avoir traversé, ignore un des coins les plus originaux et les plus pittoresques de la vieille cité picarde."
La phrase d'attaque est incontestable. C'est une vraie phrase d'attaque. Une phrase qui vous place d'emblée dans le sujet et vous donne l'irrésistible envie de poursuivre la lecture. On savait déjà bien écrire en ce temps-là.
La littérature, au sens où nous l'entendons habituellement, nous sommes plutôt enclins à la trouver dans les livres, les romans le plus souvent, la poésie parfois, mais il faut souligner que la qualité de l'écriture peut tout autant se trouver sous la plume de simples rédacteurs, occasionnels ou réguliers, journalistes en titre ou simples chroniqueurs occasionnels, collaborateurs épisodiques de journaux, le plus souvent hebdomadaires ou mensuels. Cet article, signé A. Delaunay, est un bon exemple de ces bons papiers, ces bons articles, publiés au fil des années sur les Hortillonnages. Avec souvent des photos inattendues ou remarquables. Des photos qui savent ne pas copier les images "carte postale" des cartes postales. Même si, en l'occurrence, la photo qui illustre l'article sur "Les Hortillonnages d'Amiens" est tout simplement la copie agrandie d'une carte postale très courante : CP 695. Amiens - Les Hortillonnages.
En septembre 1912, les lecteurs du Supplément Hebdo du Petit Journal agricole ont donc pu découvrir ces jardiniers particuliers dont, sans doute, la France entière ignorait tout de l'originalité.
Originalité bien mise en évidence dès le deuxième paragraphe par cette question qui met en avant le mode de déplacement des hortillons pour accéder à leurs terres.
"Mais qu'est-ce donc que ces jardiniers qui ont des bateaux pour véhicules, qui négligent la grande route solide et résistante aux pieds des chevaux pour le sol mouvant et liquide des petits canaux et des ruisseaux qui viennent se jeter dans Somme aux portes de la capitale de la Picardie ?
Dans le pays, on les appelle les hortillons et, s'il faut en croire certains auteurs, ce sont les plus curieux jardiniers de France. "
"Curieux, certes, ils le sont, et à plus d'un titre. Ne formaient-ils pas déjà, au Moyen-Âge, une corporation riche et puissante, si riche et si puissante même que ce fut sur un champ donné par elle que fut construite la magnifique cathédrale qui est encore aujourd'hui la gloire d'Amiens."
Ici, l'auteur de l'article, A. Delaunay, ne va pas jusqu'à préciser "un champ d'artichauts", comme souvent quand on évoque cette histoire qui tiendrait davantage de la légende que de la vérité historique. L'artichaut, il faut le souligner, n'était pas encore cultivé, en Picardie, en 1220. Quand on pose la première pierre de la Cathédrale d'Amiens.
Cela dit, on ne peut pas exclure, a priori, que le terrain où l'on a construit la Cathédrale ait été offert par les hortillons de ce temps-là, les hortillons du début du XIIIème siècle.
© Jean-Louis Crimon
Le Petit Journal agricole. N° 870. 1er Septembre 1912.