Tout en haut de la rue Neuve, pas si neuve, il y avait la ferme Labesse et puis, après le virage sur la gauche, un peu plus loin, la maison du père Delacroix, qui se prénommait Georges comme mon père. C'est lui qui venait cueillir les cerises dans le verger de la maison de Madame Morel, où Tante Laure était la gardienne des lieux. Le père Delacroix, - ça m'étonnait vraiment -, était toujours en bottes de caoutchouc, même quand il ne pleuvait pas. Il grimpait aux arbres sans échelle, et avec ses bottes. Un sacré asticot, disait de lui la Tante Laure, un tantinet admirative de la souplesse et des prouesses du septuagénaire.
Seule déception pour ma Tante Laure très pieuse et pour moi qui voulait toujours trouver du sens dans le nom des gens: Delacroix n'allait pas à l'église, pas à la messe, pas à confesse. Un comble. Dans ma tête d'enfant, me suis dit: je crois que Delacroix ne croit pas.
© Jean-Louis Crimon