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Je me souviens de la balade à l'ile Sainte-Aragone, une bonne heure de marche pour six kilomètres. Départ du cimetière de la Madeleine, puis allée des acacias, chemin de halage jusqu'à l'écluse et retour par l'ancienne Somme.
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Je me souviens de ma première interview de Raymond Devos, à la Maison de la Culture, en mars 1980, et de sa dernière phrase : "Je ne suis qu'un homme de divertissement. C'est pas grand chose. Bon, vous en pensez ce que vous voulez. Les gens en pensent ce qu'ils veulent, mais je le sais bien, je ne suis qu'un amuseur. Au fond, c'est merveilleux de passer sa vie à amuser les gens !"
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Je me souviens du jour où j'ai pris le contre-pied de Perec, pour écrire, non pas des "Je me souviens", un peu trop nostalgiques ou passéistes à mon goût d'alors, mais plutôt, - engagement sublime sur le futur - des "Je n'oublierai jamais". Recueil de promesses à moi-même, au temps de mes 10 ans. Instants de vie fixés avec des mots, à défaut d'appareil photo.
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Je me souviens de mes plus beaux "Je n'oublierai jamais" : Je n'oublierai jamais la chanson du vent dans les feuilles des grands peupliers de la prairie d'en face. Je n'oublierai jamais les branches des saules pleureurs qui dessinent l'eau de la rivière. Je n'oublierai jamais ce moment bizarre du soir quand la lumière indique le retour des beaux jours. Je n'oublierai jamais la douceur de la pluie, les soirs d'été, quand mon père dit : la terre a soif.
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Je me souviens avoir un jour écrit : "Bien sûr, il va pleuvoir, cette ville sans quelques averses, vaudrait-elle la peine que tu la traverses ? "
© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.