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A 8 ans et demi, Francesco Zanda, même en 1904, on n'est pas trop petit pour comprendre. Surtout que ton père Antioco et ta mère Rosa, le soir, à table, n'ont dû parler que de ça. Des soldats qui mettent en joue des hommes sans armes et qui tirent sans trembler. Des trois morts couchés dans l'herbe, par une journée d'été superbe. Eternelle histoire du combat des riches contre les pauvres, pour les exploiter davantage, pour en tirer le plus de profit. Folie des patrons d'accroître leur pouvoir de domination et leurs richesses. Pour cela, il faut briser la grève des travailleurs de la mine, fut-ce en tirant à balles réelles sur des mineurs sans armes autres que leurs poings serrés.
Peut-être as-tu fredonné à ta façon cette chanson pas encore écrite. Peut-être t'es-tu dit que quand tu serais grand, toi aussi, tu serais "agitatore"... Agitateur leader du mouvement des mineurs de Buggerru... Ecoute, si tu peux entendre...
100 ans déjà que ça se passa,
Sont quatre en mille neuf cent quatre,
A tomber sous les balles des soldats,
Ainsi le patron de la mine en décida...
Trois morts d'un coup d'abord,
Le quatrième prendra son temps,
Mais finalement sans trop d'efforts,
Rejoint ses trois frères déjà morts...
L'année des journées d'enfer,
Les mineurs ne veulent pas s'y faire,
Leur pause d'une heure en été,
Le patron veut leur raboter...
Les mineurs ont le droit de profiter
D'une pause d'une heure au soleil,
Début septembre, c'est toujours l'été,
Mais cette année, le patron décide que c'est déjà l'hiver...
Ordre est donné de se mettre à l'horaire d'hiver,
Peu importe le droit ancestral,
A l'heure de repos au soleil estival,
Terminée la pause d'une heure pour les mineurs...
Le patron de la mine a le pouvoir
De changer le nom de la saison
Le patron de la mine a toujours raison
Au cœur de l'été, décide que c'est déjà l'hiver...
Aucune discussion n'est possible,
Prenez les têtes pour cible,
S'ils ne veulent pas comprendre,
Vous n'avez qu'à les descendre
Les soldats qu'on appelle en renfort
Pour faire le sale boulot de mise à mort
Tirent, tirent, et tirent encore
Sur les mineurs et leur triste sort...
Toute l'Italie se met en grève,
Pour la Sardaigne, petite sœur,
Grande révolte contre l'oppresseur,
Mais rien n'y fera, aucun intercesseur...
Rien n'a beaucoup changé depuis,
Le Patron se veut toujours de droit divin,
S'octroie toujours le droit d'avoir toujours raison,
Qu'importe le siècle ou la saison...
Il est trop tôt d'au moins cent ans,
Les mineurs de Buggerru sont morts
Pour des droits qui n'ont pas cours encore,
Cent ans plus tard, c'est toujours la même chanson...
Le patron pense qu'il a toujours raison,
Qu'importe le siècle ou la saison,
Au cœur de l'été le patron t'invente l'hiver,
Puisque, pour ses affaires, c'est nécessaire...
© Jean-Louis Crimon
Libre adaptation d'une chanson originale sarde,
paroles de Paolo Pulina et musique d'Antonio Carta.