Reconnaissance de paternité signée Francesco Zanda. Naissance de son fils François. © Jean-Louis Crimon
26
Jeanne Bourgeois a su être plus persuasive que Berthe Leloup. Elle a convaincu Francesco Zanda, francisé François Zanda, de reconnaître leur enfant, et de lui donner son nom. Berthe Leloup, elle, n'eut pas cet honneur là. Sa petite fille, Juliette, ma mère, non plus.
Le texte de l'acte de naissance du fils est d'une précision parfaite :
" Le treize décembre mil neuf cent vingt neuf, deux heures, est né François, du sexe masculin, de François Zanda, mineur qui se reconnaît le père, né à Flumini Maggore (Italie) le huit mars mil huit cent quatre-vingt seize, et de Jeanne Marie Louise Bourgeois, sans profession, née à Lantéfontaine le vingt juillet mil neuf cent deux, domiciliés à Piennes, 9 rue d'Alsace.
"Dressé le treize décembre mil neuf cent vingt-neuf, dix-sept heures, sur la déclaration du père qui, lecture faite, a signé avec Nous, Nicolas Lepage, Maire de Piennes. "
Il y a cependant quelque chose de surprenant dans la rédaction de cet acte de naissance, en ce qui concerne la mère déclarée de François Zanda fils, Jeanne Marie Louise Bourgeois. Un détail qui n'en est pas un : elle a épousé Jules Vital Hurbain en 1920, et a eu de lui quatre enfants, figurant sur le recensement de 1931, commune de Piennes. Odette, Raymond, André et Roger. Nés en 1920, 1921, 1923 et 1927 et portant tous le nom Hurbain. Recensés sous l'annotation "enfants de le femme", elle même déclarée "concubine", juste sous la ligne "Francesco Zanda, mineur, né en 1896 à Fluminimagiorre". Question : comment Jeanne Marie Louise Bourgeois peut-elle être la mère de François Zanda en 1929, sous son nom de jeune fille, Jeanne- Marie Louise Bourgeois ? Comme l'indique l'acte de naissance de François Zanda.
Même en admettant la mort possible de Jules Hurbain, le mari, avant 1929, ou un divorce, la veuve, ou la divorcée de cette époque, - même si ça reste à prouver - porte toujours le nom de son mari. Elle ne redevient pas magiquement jeune fille avec son nom de jeune fille. Une énigme de plus dans une vie au parcours déjà très énigmatique, monsieur Francesco Zanda.
--------
A relire l'acte de naissance de Juliette, on comprend que le père est absent ou s'est... absenté, même si la mention "né de père inconnu" n'est pas portée. Pas davantage l'expression "père non dénommé". Pour l'état civil, le géniteur n'est pas identifié, ce qui a pour conséquence - ce qui n'est pas rien - l'absence de filiation paternelle.
Difficile de spéculer sur les raisons de l'anonymat du géniteur dans l'acte de naissance de ma mère Juliette, fille de ma grand-mère, Berthe Leloup.
Berthe Leloup a-t-elle pu seulement, vraiment, demander de vive voix à Francesco Zanda de reconnaître leur enfant ? Francesco Zanda a-t-il refusé étant déjà engagé dans une autre histoire d'amour avec Jeanne Bourgeois ? Berthe Leloup a-t-elle tout simplement refusé de communiquer l'identité du père de sa fille à l'officier de l'état civil ? Pour une bonne et simple raison qu'elle a voulu garder pour elle : le père ne l'aimait plus et il était parti avec une autre.
" Le deux Août, vingt-une heures cinquante minutes, cité de Joudreville n°78, est née Juliette Berthe Amélie du sexe féminin, de Berthe Antoinette Leloup, sans profession, célibataire, née le onze Novembre mil neuf cent cinq à Etain, Meuse.
La mention " Et de" a été barrée, sans autre précision, mais la mention préimprimée "domiciliés" est restée - trop cruel - au pluriel.
" Dressé, le trois août mil neuf cent vingt-huit, dix heures, sur la déclaration de Jules Leloup, cinquante deux ans, charretier, au domicile duquel l'accouchement a eu lieu, qui, lecture faite, a signé avec Nous, Jean Piermé, Maire de Bouligny.
En bas, à gauche, formule cruelle à nouveau pour l'enfant illégitime : "Légitimée par le mariage de Francesco Filippin et de Berthe Antoinette Leloup célébré à Bouligny le vingt neuf septembre mil neuf cent trente deux."
Août 1928 - Septembre 1932, Juliette a dû attendre quatre ans avant de se voir octroyer un papa. Un autre italien qui porte le même prénom que son "vrai" père : Francesco.
© Jean-Louis Crimon