Bizarrerie urbaine qui n'étonne personne. Particularité locale, même si la chose est sans doute observable dans d'autres villes.
Ma ville est une ville étrange aux façades aveugles, aux fenêtres murées. Difficile de dire précisément quand la chose s'est produite. On raconte que celà remonte à une époque où l'impôt se calculait au nombre de fenêtres en façade.
Bien sûr, si l'on marche la tête scotchée sur son iPhone ou si on essémise ou textoïse tête basse à grandes enjambées, on ne remarque rien. Il faut pour observer vraiment l'incongruité façadière lever la tête de temps à autre et ne pas vivre uniquement les yeux baissés.
Il semble que ce soir juste après la Révolution, au moment du Directoire, que cet impôt portant sur le nombre et la taille des portes et des fenêtres aurait été décidé. Seuls les propriétaires étaient concernés et les plus riches payaient le plus. Ce qui n'avait rien de choquant. Cette forme d'imposition subsistera jusqu'au milieu des années vingt.
Plus les maisons sont grandes, plus elles ont de fenêtres, et plus leur propriétaire doit payer. De fait, les maisons d'angle se voient doublement imposées par rapport aux maisons qui n'ont qu'une façade côté rue. Faire murer un nombre important de fenêtres, c'était alléger d'autant l'impôt. La décision de murer l'espace de toutes les fenêtres en trop ou estimées inutiles fut donc prise et menée à bien par des propriétaires astucieux. Mêmes briques et même technique de jointoiement.
Aujourd'hui, trace archéologique de ces évasions fiscales légales, seul l'emplacement de la fenêtre se visualise mais la fenêtre a fait sa valise.
L'astuce architecturale étant désormais caduque, je me demande si je verrai un jour des maçons et des vitriers ressusciter et réouvrir ces fenêtres closes.
A moins que la solution la moins onéreuse - et la plus joyeuse -, ce ne soit aujourd'hui le recours aux spécialistes du trompe-l'œil. Avis aux artistes et aux... financeurs.