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Je me souviens de l'étonnement de Jean d'Ormesson quand je m'empare délicatement de son gobelet en plastique vide. A sa demande, juste avant de rejoindre le studio de Radio France Picardie, je lui ai offert un Perrier bien frais.
– Mais qu'allez-vous en faire, s'inquiète l'Académicien ?
– Un talisman, cher Jean ! Boire dans le gobelet d'un Immortel, c'est pouvoir offrir à chaque instant de ma vie un goût d'éternité.
Ma réplique dessine alors un incroyable beau sourire sur un visage d'enfant incrédule.
Quatre mots de l'Immortel : Vous êtes drôle, Monsieur !
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Je me souviens de Jean Nohain à Amiens, au Cirque Municipal, années cinquante, pour son émission Reine d'un jour, un jour où c'est une Amiénoise la Reine d'un jour. Surtout connu pour avoir été le parolier de Mireille et pour avoir, sous le surnom de Jaboune, organisé avant guerre des émissions radiophoniques pour la jeunesse.
L'émission « Reine d'un jour » permettait à une Française prise au hasard, ou sur la recommandation de ses voisines, de vivre comme une reine le temps d'une journée, en échange de ses impressions et de ses commentaires, sur la vie, la société.
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Je me souviens de "nords singuliers, nord pluriel", hiver 78-79, in'hui numéro 6. Page 101, ce poème pleine page blanche de Pierre Garnier, poète spatialiste, -poésie spatiale, poésie spéciale-, le "o" de nord tout en haut à droite de la page, le "o" parti, envolé, tout au nord. Ne reste que trois lettres en bas à gauche n rd, nrd qui ont l'air de s'emmerder. Trois lettres déboussolées. Lamartine, pardon, mais, variante : Une seule lettre vous manque et tout est dépeuplé.
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Je me souviens de Jacques Darras arpentant à grands pas le siècle finissant et s'indignant que nous ne soyons pas déjà dans le siècle débutant. A le suivre, nous avions du mal, nous n'étions que de grands débutants.
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Je me souviens de la finale de la Coupe du Monde de Football de 82 : Italie - Allemagne, et à la fin, c'est l'Italie qui gagne. Elle passe vite cette soirée dans le petit appartement de la rue Paul Sautai, chez les Ciafarone. Sandro, Jeanne, sa femme née à Mers-les-Bains, Ezio, l'ami de toujours et les cinq enfants. Match superbe, ponctué de "Viva Italia" à la moindre action de la Squadra Azzurra. 3-1, score final. Schumacher en a pris trois ce soir. Sandro, pas peu fier, s'exclame : "nos amis français sont vengés." Siamo i più forti , chantent en chœur Christina, Tullio, Manuela, Katia et Alessandro.
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Je me souviens d'Amiens tout au bout de la route d'Abbeville, quand on s'en va vers la mer et que de la ville, on se libère.
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Je me souviens de Nasser Nafa et d'une conversation, commencée en juillet 1979 et jamais interrompue depuis, sur le sens de la vie.
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Je me souviens d'Amiens revisitée par Hervé Jovelin. "Amiens, une nuit", roman policier qui a pour personnage principal Mateo Ambiani, véritable antihéros, aussi à l'aise dans les bas-fonds de l'âme humaine que dans les bas-fonds de la vieille ville.
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Je me souviens d'Amiens-Renancourt, quand rue du Bout du Monde et rue d'Enfer font la paire, et que leurs habitants font la chaîne pour se passer les seaux d'eau de la fontaine. Fin des années 70, à Renancourt, c'était comme ça, dans ces deux rues là. On allait, à pied, à la fontaine, car on n'avait pas encore l'eau... courante.
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Je me souviens de la serveuse du café de la gare et de son joli regard.
© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.