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Je me souviens de cette grande maison, face à la voie ferrée, où Jules Verne vécut 14 ans et où il mourut le 24 Mars 1905, à l'âge de 77 ans. Elle se trouve au 44, Boulevard Longueville, désormais Boulevard Jules Verne.
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Je me souviens d'Amiens 1386, quand la ville s'étale très largement au sud de la Somme. De riches bourgeois s'y sont fait construire de belles demeures. Façon de prendre leurs distances avec les rues insalubres de la ville ancienne. Petites rues sales et rarement pavées où les porcs divaguent et côtoient les humains.
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Je me souviens de la Confrérie Notre-Dame du Puy d'Amiens, compagnie de mécènes qui, pendant trois siècles et demi, fut la source d'une importante production poétique et artistique. Fondée en 1388, cette Confrérie, société d'encouragement littéraire, organise chaque année un concours de poésie qui obéit à des règles très précises et surtout au calendrier liturgique des fêtes mariales. Fêtes et œuvres sont dédiées à la Vierge Marie, sainte patronne de la cathédrale d'Amiens.
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Je me souviens que le mouvement littéraire qui a donné naissance à la Confrérie Notre-Dame du Puy d'Amiens, s'est aussi développé dans de nombreuses villes, non seulement en Picardie, mais aussi en Artois, en Flandre et en Normandie. La Confrérie réunissait des hommes de tous les horizons et de toutes conditions sociales. Marchands, magistrats, nobles, ecclésiastiques, ayant tous en commun un goût pour la poésie et le respect du culte à la sainte Mère de Jésus.
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Je me souviens du petit Roland, 8 ou 9 ans, qui ne s'appelle pas encore Dorgelès, qui tire la barbe du vieux Jules Verne quand il le croise Boulevard Longueville ou rue Vascosan, en lui disant : "je veux connaître la fin du capitaine Nemo !" Mais Jules Verne n'avoue rien. Roland Lecavelé, lecteur passionné de Vingt mille lieues sous les mers, devra attendre la parution de L'Île mystérieuse pour avoir la réponse à sa demande et pour apprendre la mort de Nemo.
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Je me souviens des "Médiévales au bord de l'eau" du premier week-end de septembre et des bateaux à cornet qui jouent sur la Somme des batailles navales faussement paisibles. Année 2015, je pense. Véritables combats nautiques et plongeons spectaculaires. Au bord de la Somme, c'est un peu de Méditerranée qui s'invite. Les joutes provençales de Cannes version Samarobrive.
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Je me souviens d'un passage de la page 150 des Guetteurs de Pierre Rappo, et je prends plaisir à le relire souvent : " Un jour, pensait-il, un jour, les gens travailleront deux heures par jour, pour le plaisir; le reste du temps, ils feront l'amour, ils réinventeront le silence et la fête; ils sauront voir le givre sur les branches et entendre le hennissement des chevaux; et dans les rues pousseront des arbres et des rires continus plus frêles que des sonates; on décapera les plaques de bitume pour retrouver les vieux, les antiques pavés, avec les herbes folles."
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Je me souviens d'une conférence de Roger Agache au Musée de Picardie sur l'archéologie aérienne. En prenant un peu d'altitude, l'homme a su faire entendre raison aux Ronds de fées et autres Ronds de Sorcières et révéler le sens caché de ce que les paysans et les cultivateurs prenaient pour des manifestations surnaturelles et irrationnelles. La thèse de Roger Agache : les céréales, en poussant trop vite au-dessus des remblais de fossés protohistoriques, versent logiquement. D'où la croyance rurale aux fées qui viennent danser en piétinant les récoltes, à l'emplacement de sites enfouis.
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Je me souviens qu'au Nord d'Amiens, il y a un lieu-dit Le Champ de la Danse où il y a tout un groupe de grands cercles protohistoriques.
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Je me souviens que l'éclairage des voies publiques, à Amiens comme ailleurs, est une création récente. Samarobrive n'avait pas d'éclairage à poste fixe. Amiens du Moyen-Âge, pas davantage. C'est en 1720 que la ville sera dotée d'un éclairage régulier. L'allumage est confié à vingt-huit commissaires de quartier chargés en même temps de la police, et portant le titre de commissaires aux boues et aux lanternes. Les chandelles sont alors progressivement remplacées par des lanternes à huile, à un, deux, trois ou quatre becs.
© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.