131
Je me souviens du Cinéma tout en haut de la rue des Otages, Le Pax, aujourd'hui disparu, qui au tout début des années 80, avait osé programmer le film de Stanley Kubrick : " Les sentiers de la gloire ".
132
Je me souviens de Maurice Laisant et d'André Lourdelle me parlant de l'Union Pacifiste. Des humains comme on n'en rencontre plus. Des libertaires humanistes.
133
Je me souviens de Lucien Barbier, militant communiste, mort après vingt jours de coma. Sans doute des suites de coups de matraques un peu trop appuyés. Ses amis du PC et de la CGT en sont, aujourd'hui encore, absolument convaincus. C'était en novembre 1987.
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Je me souviens du procès Goldman et de Noguès, Alain Noguès, photographe malicieux, plié en deux vers l'herbe devant le Palais de Justice en pestant "J'ai paumé un diaph' !" Les gendarmes, penchés eux aussi, pour l'aider à chercher le "diaphragme perdu" et pendant ce temps-là, nous, pliés de rires, on photographiait la sortie de Pierre Goldman, ce qui nous était interdit.
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Je me souviens des deux Simone, Signoret et de Beauvoir qui vont et viennent sur le grand escalier extérieur du Palais de Justice, de Maître Pollack et de Maître Kiejmann, de Marie-France Pisier et de toute l'intelligentsia parisienne présente à Amiens, pendant la durée du procès en révision.
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Je me souviens du nom du relieur de la rue du Faubourg de Hem, Yves Deremaux, et de son téléphone en six chiffres : 43.07.66.
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Je me souviens du jour où j'ai offert à mon père, pour son anniversaire : " Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France "..
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Je me souviens de The Bible of Amiens, de John Ruskin, La Bible d'Amiens, ouvrage du critique d’art et sociologue anglais, paru en 1884 et traduit en français, en 1904, par Marcel Proust.
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Je me souviens de Marcel Zanini au CSC Guynemer et de son incomparable manière de mettre à l'aise l'interviewer débutant : "Mon itinéraire ? ça risque d'être long. Je vais prendre un raccourci."
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Je me souviens de la péniche-théâtre de Jean-Paul Farré, amarrée quai Bélu, pour y donner un Beckett inattendu. Pas très à l'aise, on glisse sur la glaise pour entrer dans le bateau. Godasse, gadoue, Godot, les sons s'enlisent et se lisent dans une boue authentique. Eternelle attente de celui qui ne viendra pas. Godot a mis les bouts.
© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.