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Je me souviens de Joseph et du temps où nous étions, de minuit à 7 heures du matin, les OS du Labo qualité de Laden-Philips. Quatre étudiants pour quatre-vingts prototypes qui, non stop, tournent 24 heures sur 24. Lessives de nuit pour nous. Nous, complétement lessivés au petit matin.
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Je me souviens du Stade Delaporte, terrain d'entrainement de notre équipe de foot de Fac de Lettres et de Margerin, notre entraineur que personne, en ce temps-là, n'aurait osé appeler coach.
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Je me souviens de l'Eglise Saint-Honoré et de ses trois Rois mages, qui sont... quatre, mais je ne retiens jamais le nom du quatrième. Gaspard, Melchior, Balthasar et...
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Je me souviens de Pierre Garnier et de Jacques Darras, vrais grands frères d'écriture, mais tellement trop loin devant, à... dix mille, cent mille encablures.
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Je me souviens du pont de la Dodane et de la colonne érigée à proximité en hommage à Jules Verne. Œuvre du sculpteur Ivan Theimer, cette colonne en bronze est surmontée de deux enfants représentant Jules Verne et son frère Paul. L'un tient un gros poisson et l'autre, un pigeon.
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Je me souviens du Mémo d'Amiens de l'ami Rambour et de ce début de poème qui évoque Cazé et Patte, les deux boulangers de la rue Vascosan, spécialistes du gâteau battu : "Chez l'un et l'autre, ça sent le beurre doux... "
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Je me souviens des Trois Grâces, non pas des Trois Grâces de Botticelli, pas non plus des Trois Grâces de Raphaël, pas davantage des Trois Grâces de Rubens, les Trois Grâces de Morlaix, Emile Morlaix. Juste devant l'entrée de l'immeuble appelé les ISAI, à l'angle de la rue Jean Catelas et de la rue Martin Bleu Dieu.
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Je me souviens que ISAI, sigle étrange pour la plupart des Amiénois d'aujourd'hui, signifie Immeubles Sans Affectation Immédiate. Beau comme un poème Oulipo.
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Je me souviens de René Anger et de son projet fou et sérieux pourtant, d'Île mystérieuse au-delà de La Hotoie. Traduire en espace urbain le roman de Jules Verne.
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Je me souviens de la signature de Verlaine avant-centre, chez Martelle, un samedi de janvier 2001, et de cette queue immense qui déborde sur le trottoir et sur la rue, et de cette voix, identifiable entre toutes qui répète en boucle : "Je suis la mère de l'auteur ! Je suis la mère de l'auteur !" L'auteur de mes jours pas peu fière du fils devenu auteur tout court.
© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.